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Au gré de la plume
20 décembre 2017

Mercredi

  

L.T. en roue libre...

    

Ang-300x199 P.S.: Mardi après-midi.

Dulcinée m'informe téléphoniquement qu'elle mangera en ville. Je me bricole donc un petit repas bien décidé à finir ce flacon de cabernet chilien. 

 

ant

 

Gogol, Jules, ... Non, non, ils ne m'empêcheront pas de retourner à mes "Fourmis". Est-ce que j'avance ? Pas si sûr. Elle fait son chemin toute seule cette nouvelle. Dès que j'ai un moment elle se raconte dans ma tête *. Quand j'ai le temps j'écris deux ou trois pages, j'avance, j'efface. Au fond elle me suffit là, dans ma tête. 
Elle me fait souvent rire. L'autre jour j'y faisais apparaître, enfin, les fourmis, celles qui se promènent dans le lavabo où pisse le personnage (principal ?), pas moi, elles montent, elles descendent inspectant ce liquide malodorant (mais stérile... le savent-elles ?). Ont-elles un but, un travail à accomplir dans ce lavabo ? Parfois elles grimpent sur sa brosse à dents, il les chasse gentiment.  Quand il se rince la bouche Luis fait attention qu'aucune ne se noie.

 

Ants

Soudain une voix : - C'est trop tôt pour parler des fourmis.
- Mais qui ose ainsi me critiquer, moi l'hauteur ?
- J'ai le droit, poursuit la voix inconnue.
- Moi aussi j'ai le droit de les faire entrer en scène quand je veux mes fourmis, hein ?

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Le héros (?) se retourne et aperçoit un chien, un berger allemand, inconnu.
- Qui t'es toi ?
Le chien baisse la tête, honteux.
Finalement il se confie. Ce chien c'est Rex le berger allemand d'une série policière autrichienne (il en existe une italienne). La pauvre bête déprime depuis qu'elle a découvert qu'en réalité les dresseurs utilisaient une dizaine de "Rex" pour cette série télévisée, sans rien lui dire. Comme les Cheeta des films de Tarzan.
Alors il s'est enfui, dégoûté, se sentant trahi. 

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Comment est-il arrivé là ? On le saura jamais. Mais il servira d'ombre, d'ange gardien à ce personnage principal tout en se permettant d'incessants commentaires, souvent très froids, pragmatique ce chien. 


Un jour en se brossant les dents Essinger (c'est le nom choisi pour le personnage principal), Essinger * * a comme un éclair, ce qu'on appelle une "idée géniale" ou parfois "une idée de génie", ce qui n'est pas la même chose. 
- On se brosse souvent les dents horizontalement bien que les dentistes insistent pour qu'on le fasse de bas en haut et de haut en bas. Les brosses électriques ont un mouvement rotatif insatisfaisant bien que cette innovation ait apporté un mieux. Et puis devant on pourrait encore se forcer à une certaine discipline mais "derrière" pour le dos des dents, hein ? 
Essinger vient d'imaginer (il en voit l'image) un mécanisme original miniature: une brosse permettant un mouvement vertical (tel que recommandé par les dentistes) tout en laissant l'usager agiter horizontalement sa brosse selon sa mauvaise habitude. Le tout conçu en plastique, résistant et pas plus grand qu'une brosse ordinaire. 

fourmis-comment-se-debarrasser-des-fourmis-lutter-contre-les-fourmis-chasser-les-fourmis-eloigner-les-fourmis

- Merveilleux !
- Tu l'as dit dit Rex. 
Soudain les fourmis disparurent. 
Essinger s'inquiéta. Aurait-il abusé de détergent lors du dernier nettoyage ? 
Quelques jours plus tard elles réapparurent, actives, agitées. Fidèles aussi.
- Tu vas trop vite. Il fallait une mise en scène pour permettre aux fourmis d'apparaître au bon moment.
- Qu'est-ce que ça peut faire, Rex ? Je vais selon mon humeur. Les règles, les constructions, je m'en beurre le cul.
- Comme Marlon Brando ? 
- Bingo. Putain, quelle culture pour un chien !
Rex n'a plus son flair d'autrefois, et il devient sourd. Chaque fois qu'Essinger lui dit quelque chose il doit répéter la dernière phrase en criant.
- Je vais selon mon humeur ! Mon humeur.
- Pas besoin de crier, j'ai compris.
Un chien sait-il ce qu'est l'humeur ? 
Une fourmi sait-elle ce qu'est l'urine ? 


Comment un homme qui n'y connaît rien en dentisterie peut-il concevoir soudain une brosse à dents dont l'agitation horizontale entraîne un mécanisme vertical coordonné, tel que conseillé par tous les dentistes de la planète. Et l'extraordinaire, le génial écrivais-je, cette brosse n'est pas plus grande qu'une autre, le système est solide, résistant. 
Essinger prépara un dossier, fit réaliser une dizaine de prototypes par un ami spécialisé dans la micro-mécanique en plastique (cet homme adorait les idées loufoques). Il paya les frais du brevet. Puis il envoya tout ça aux deux compagnies leaders dans le domaine de l'hygiène buccale. 


Il attendit longtemps. 


On lui répondit finalement. 
- Oui, ça nous intéresse. On vous achète votre brevet. 
Il accepta le prix avancé comprenant bien que personne ne commercialiserait jamais son invention. Une invention trop dangereuse pour les fabricants de brosses à dents traditionnelles. Cela lui importait peu. 
L'argent gagné lui permit de réparer la chasse des WC et l'achat d'un appareil auditif pour Rex. 


- On va promener, Rex ? Attends, je dois d'abord pisser. Quel joli bruit cette chasse d'eau. Rex... promener hurla-t-il en direction de la bête étonnée.
Le berger allemand branla la queue, la sienne. Parfois il branlait aussi la tête car l'appareillage inséré dans son oreille le démangeait.
- Surtout ne gratte pas, ce machin m'a coûté trois mille Euros/Francs/Dollars,...

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Voyez le genre de cette histoire. 
Des questions pourraient se poser. Bon sang, pourquoi une nouvelle comme celle-ci ? Distrayante ? Elle ne changera la vie de personne. Même pas la mienne. 
Je pense à ce que j'ai écrit "auparavant" et à la légèreté de cette histoire de fourmis. 

* Excellent somnifère. 
* * En souvenir d'un de mes premiers patrons en radiologie. 

Mardi après-midi, plus tard.
Dulcinée rentre et repart. Times City. Il y a trois jours, quatre ?, j'écrivais qu'elle avait un plan. Accoutumer son petit-fils à ma présence (c'est fait), le prendre une fin de semaine ici à Buoi, c'est fait. 
Bon et maintenant ? 
La voyez-vous venir ? 
Moi oui... 

Mercredi matin... 

Raconter une histoire que personne ne lira ? Et pour compliquer: le faire en imitant misérablement un Dr Watson qui dirait "je" selon son humeur...

- Rex, sais-tu ce que c'est l'humeur ?

Et puis il faut la charpenter, lui construire un décor, des fonds. Donner du relief aux personnages. Beurrer la tartine, faire des pages.

- Donner du relief au chien, aux fourmis ? Comme une "poya" !

- Pourquoi pas. Les grands Dostoievski et Balzac font tout dire à leurs personnages, ils les contrarient, à la fin on ne sait pas ce que ces écrivains pensent  vraiment. Faut lire dix mille pages. A-t-on tant à dire de si important ? La misère, l'injustice, la jalousie est-ce si compliqué à raconter.

 

Cet homme, l’homme de cette histoire, je l'ai croisé souvent. Il faut le préciser car il n'est pas moi, certains auteurs jouant parfois avec cette ambiguïté. Bien évidemment comme un gamin qui colorie un dessin, je choisis les pinceaux, les crayons, dessinant les ombres et à l'occasion je ne me gêne pas pour accentuer un trait. Je gomme. On ne devrait s'en tenir qu'à des brouillons.

……………………………………………….


Essinger venait de divorcer. Il avait aussi quitté son travail. Équanime, Luis abandonna à son avocate le soin de régler le partage des biens conjugaux. Son épouse Diane *  n'ayant jamais travaillé de manière profitable, c'est en fait ses biens que la juge coupa en deux parts inégales. Essinger n'apparut au tribunal qu'à deux séances, la première et la dernière.

* Il avait autrefois offert à son épouse une Voiture Citroen Dyane.

La Présidente acheva la lecture des conclusions. Sa femme garderait leur appartement en ville et tout ce qu'il contenait, lui la maisonnette de ses défunts parents. Plutôt que verser une rente mensuelle il lui cédait les trois-quarts de sa fortune qui n'était pas énorme mais considérable. 


- Avez-vous une ultime déclaration à faire, monsieur Esssinger ?

- Non Madame la Présidente. Merci.

- Et vous Madame ? 


Son épouse voulut expliquer je ne sais quoi en sortant d'une enveloppe des photos de son mari en compagnie d'une jeune femme. Son avocate la retint par le bras. 


- Bien, il ne reste qu'à signer les documents que ma greffière vous soumettra. 

En quittant le tribunal il entra dans un café. Son ex-femme l'aperçut et choisit de le rejoindre. Elle s'assit à sa table. 


- Tu sais, s'il y a quelque chose que tu veux prendre dans l'appartement, dis-le.
- Euh, non, ou alors ce petit tableau que j'aimais bien.

- Je viens de refaire le cadre, si tu paies ce que ça m'a coûté tu peux l'emporter.

En reprenant sa voiture il se demanda pourquoi il avait réglé leurs deux consommations.  
Il était presque midi, il lui fallut plus d'une heure pour échapper au trafic et rejoindre le village où il habitait maintenant. 

Est-ce bien malin de divorcer à soixante ans ? L'homme dans la glace lui fit un clin d'œil. Luis ouvrit son pantalon, se souleva sur le bout des pieds et pissa dans le lavabo. 

Oui, parce qu'en vieillissant il est préférable de garder une conjointe, même acariâtre, pour vous faire à manger, laver les habits, entretenir la maison,  voyager, vous écouter parler.. 
En trouver une autre ?

Le miroir fit la grimace. Un type qui pisse au goutte à goutte ?

- Ouaie, t'as raison.


Le miroir avait vécu. En haut et en bas une sorte de rouille le dévorait sans se presser. 

- On se ressemble, hein ?

Que pourrais-je dire de cette maison en briques ? Coincée entre ses siamoises le long d'une unique rue ou plutôt d'une route pleine de trous. Un village sans le moindre commerce. Quelques vieux couples, des veuves y pourrissent, c'est tout.

 
Parfois en fin de semaine on voit une voiture garée ici ou là. Elle ne gêne pas la circulation, il n'y en a pas. Un fils, sa femme et leurs enfants viennent parfois s'assurer que leurs parents ne sont pas morts. 
Tous ces vieux se connaissent, ils et elles se sont tout dit. Bien sûrement chaque famille garde des secrets. Mais ici ?

 
Que soudain les volets d'une maisonnette s'ouvrent n'inquiéterait personne.
- Le petit Essinger. Encore une scène de ménage. Ah, aujourd'hui... 
Que ces volets restent ouverts plus d'une semaine ?

 
- Bien fait pour lui, ça lui apprendra à coucher chez des putes.


On le voyait rentrer de temps en temps avec des sacs pleins de nourriture. Et puis il garait son véhicule, une vieille Volvo, au fond d'une étroite allée sur le côté de la maison et la couvrait d'une bâche grise. Rien à voir avec ces films policiers où l'on surprend le mouvement d'un rideau derrière une fenêtre. Pas d'ombres furtives, pas de brume épaisse. Rien. Désolé Dr Watson.

Transiter du passé au présent ne me trouble pas. Je raconte à ma manière. Et cette histoire n'est pas à lire, alors ? 


Luis soupira et revint pisser dans le lavabo. Quarante ans au moins qu'une vessie hyperactive fractionnait ses jours et ses nuits. En voyage elle lui posait quelques problèmes, comme trouver un siège le long du corridor quand il prenait l'avion. Lors de réunions de travail il évitait de trop boire et tenait ainsi d'une pause à l'autre. 

 
La nuit ? Il trouvait amusant de déranger la femme qui partageait son lit pour tâtonner jusqu'au soulagement. Une dame ou l'autre s'étonnait en silence. Il n'expliquait rien. Cet homme ne posait pas de questions et ne se justifiait plus, la nuit il aimait s’orienter sans allumer la lumière..

 
Cette mauvaise habitude, celle d'uriner dans le lavabo, était ancienne. L'idée lui en était venue en se brossant les dents. Il ouvrait le robinet, se brossait les dents et pissait en même temps. Cette sale manie s'était transformée en jeu: ne pas se faire prendre par sa compagne du moment. 

Et maintenant il n'avait plus ni travail ni femme, plus de maîtresse. Rien qu'une maison délabrée, une voiture grise  essoufflée, trois sous en banque, des fourmis et un chien fantôme. 

Je n'ai pas encore choisi dans quel pays caser mon histoire. En Afrique, non ? En France, en Suisse, en Belgique, chez l’Oncle Tom en Amérique, en Amérique y'a pas de maison comme celle-ci, en Asie alors ? Il suffirait de changer les noms. Non.

Est-ce important ? Faut-il croire que ce récit est mal parti ?

Est-ce important ? Si je me mettais à la place d'un lecteur cette construction littéraire me découragerait. Mais ce lecteur n’existe pas.

 

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