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Au gré de la plume
18 octobre 2017

Soyons braves

 

 

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Le prix de l'essence.

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Jouets chinois.

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 Carrefour de Buoi.

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L.T.

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P.S.: Apéro : vodka (locale) et jus d'orange.


Spaghetti bolo ce midi. Dulcinée m'avait préparé un peu de viande hachée que j'ai donc mélangé à ma sauce tomate. 


Mardi après-midi, 14h00, sieste. Avant, j'ai pu mettre rapidement mon bloguinatzet à jour. En relisant la "nouvelle du jour" (Dérive) je vois qu'un morceau s'est perdu dans je ne sais quel nuage. Baouf....je mettrai de l'ordre fin février peu après notre arrivée en Chuiche..

 

Mardi, 17h00. 
Donc un morceau de la nouvelle d'hier (Dérive) s'est perdue "en route", parti à la dérive, entre Paris (Siège de Canalblog ?) et Hanoi. Et tout ça sur le coup de midi (temps VN) parce que je la relisais encore ch'matin, cette petite histoire, comme ça,..in extenso ! Bon moa, moa chuis qu'un scribouillard mais je me demande combien de "choses" s'évaporent ainsi, par exemple dans le monde des affaires. On me rétorquera que ces gens ont des "back up", des doubles, des sauvetages sur des trucs et des machins ou dans des nuages en location. Moi aussi j'ai cette nouvelle dans un "mass storage"... à Treyvaux ! C'est d'ailleurs dans ce conteneur que j'avais retrouvé ce que je viens de remettre en ligne, la pointe de l'iceberg !
Et puis quand ça se perd, ça va où, parce que, me semble-t-il, il y a une loi de physique qui dit approximativement que les choses peuvent se transformer mais jamais... disparaître à jamais *. 

Du bois brûlé il ne reste que de la cendre comme nous quand on se fait incinérer, par contre si l'on choisit de se faire enterrer, les vers nous mangent et d'une certaine manière nous devenons un peu d'eux ce qui ne m'ennuie pas bien que je préfère la lumière. Parce que les vers-qui-nous-mangent ne savent pas qui ils mangent... puisqu'il fait nuit et que par ailleurs ils ont peu de relations avec les humains en surface, impossible donc qu'ils puissent dire/penser:"je mange machin, le con qui utilise des insecticides". * *

Ah ! Une fuite d'eau en bas près de la cuisine. Je m'en suis rendu compte en grimpant sur une échelle pour aller déloger une colonie de micro-organismes qui longe le plafond. Non, ce ne sont pas des termites. Est-il encore raisonnable que je grimpe sur une échelle à mon'age ! En redescendant de mon échelle je découvre ce qu'en Suisse romande nous appelons une (très petite) gouille, un peu d'eau, rien de très inquiétant sauf qu'en ce qui concerne les fuites (dans des canalisations sous pression), est-ce une loi de physique, b'en ça ne peut qu'empirer * * *. 

*      Ceci ne prouverait-il pas que l'éternité existe ? 
* *    On peut aimer la viande tout en condamnant l'usage des chimiques (élevage et agriculture).
* * *  Serait-le corollaire de ce qui précède ( * ) : si l'éternité existe, ou au pire, ou au meilleur si elle dure long temps, cette éternité n'est pas un fleuve tranquille ou alors: rien ne le garantit.

Profitons de ce gentil moment, je suis en-bas près de l'entrée à attendre le retour de Dulcinée (et en même temps je garde un œil sur la fuite d'eau). Moment paisible, une petit bière, ma pipe, manque des chips, baouf,..ou alors des petites choses salées au fromage. Je me souviens des "gâteaux au fromage" de ma maman. Elle devait employer des œufs, du lait, de la farine (?) et bien évidemment du fromage. Elle en faisait une plaque entière (celle qu'on utilise dans les fours des cuisinières). Je me demande si ce n'était pas mon père qui coupait, 4 fois en largeur et deux en hauteur, nous étions cinq, trois morceaux chacun ! Bien brun dessus ! Hum ! 

Je pense aux "trois sœurs" austro-vietnamiennes (devenues françaises) pour qui le Vietnam, le nord surtout, restent si important puisqu'elles y ont vécu un gros morceau de leur enfance. Je pense bien à vous, Marie, Dini, Maria,...à Robert, aux générations qui suivent (même si j'oublie certains prénoms). 
Dimanche passé, à la messe un prêtre américain de passage nous servit une homélie intéressante. Il reprenait, comme cela se fait, l'Evangile du jour. Un texte un peu dur, en gros l'histoire d'un roi qui invite des gens à une grande noce, pouf... personne ne répond, pire on zigouile ses messagers, crac il décide d'inviter "n'importe qui" à la cantonade et voilà une belle noce qui s'annonce, les participants se sont bien habillés... sauf un qui  arrive en "casual" (habit de semaine, don) therefore il se fait virer par le maître. Punaise, ça c'est une parabole biblique. Quand notre bon prêtre américain s'est lancé dans son sermon je me suis presque inquiété: comment va-t-il s'en sortir ? 
- Dadou, c'est mieux qu'un thriller ! 
- Wait, Love, wait.
Le Vietnam c'est la même chose, touristes de passage, visiteurs "réguliers", diaspora,  (peu importe les motivations), nous tous qui revenons ici nous croyons avoir "notre" Vietnam, pour les "trois sœurs" je crois savoir ce que cela représente, pour un businessman aussi, pour un "vieil expat" des environs de Londres... aussi,... pour Dulcinée. Mais à côté, ou devant, ou derrière n'y a-t-il pas "le Vietnam" ? Celui qui vit même en notre absence. 
Et qu'il est difficile à aimer celui-là ! 
Quand on mange un gâteau (au fromage !), ou un steak-frites on ne se pose pas la question: - " le gâteau/le steak m'aime-t-il", non on le bouffe. Cependant quand on aime un homme, une femme, un enfant, un chien, un chat, un cochon d'Inde on se soucie d'être "aimé" en retour. 
- Il y a donc une différence entre un steak et un chien, O Mon Dadou ? 
- Tu le dis bien. Peu importe la "forme" de cet amour partagé, de même pour le ratio d'un côté ou de l'autre. 
- O Smartest Dadou, j'ai compris la parabole de l'évangile ! 
- J'en suis heureux, Douce Amie. 
Il faut aimer le Vietnam. Ça ne veut pas dire "tout accepter", tout justifier, queu non mais il faut en aimer plus qu'un morceau ! J'écris cela alors même que le fils de Dulcinée nous prépare de nouvelles bêtises encore plus gigantesques que les premières, les deuxièmes, les troisièmes,... Répétons-le: pas d'excuses, pas de marchandage sur nos convictions fondamentales, pas de condescendance. 
- Dadou ?
- Hum ? 
- C'est comme si tu disais qu'il faut aimer avec intelligence, je croyais que l'amour était passion, compassion, tolérance, générosité, spontanéité, tendresse et caresse. N'est-ce point contradictoire ? 
- Chère, les Québécois, enfin les obsolètes, ont une jolie chanson: "Qu'il est difficile d'aimer, qu'il est difficile,..." (On la trouve facilement via Google-Youtube). Je n'ai qu'une réponse: il faut essayer. 
- On peut mourir d'essayer d'aimer ? 
- On peut, présentement nous sommes sur la bonne voie. Et n'est-ce pas là que le sacrifice de Jésus prend une signification philosophique (qu'on me pardonne mes allers-retours en bigoterie) ? 
- Tu te prends pour Jésus ?
- Coquine, moqueuse, non. Les Parisiens disent "Fluctuat nec mergitur" qu'on peut traduire par "Ça brasse dur mais la barque tient le coup". Ça veut aussi dire que les gens qui sont sur le bateau pensent sauver leur peau. 
- Des Africains ? 
- Non eux c'est aut'e chose du genre qu'on nous rabâche: " La barque est pleine"... Non, je te parle du Vietnam et plus particulièrement du prochain naufrage de ton couillon de grand frère. 
- Ahhhhh ! Ouaie. 
- Je veux dire, punaise faut tout t'expliquer, je veux dire que si Mamccok jure que cette fois elle ne lui lancera pas de bouée pour le sauver, elle ne pourra pas le regarder disparaître dans les abysses,comme dans le film Titanic. Je veux dire que moi derrière, je la suivrai encore... Putain de merde. Tout ça parce que  je choisis d'aimer le Vietnam en son entier. 
- C'est beau ! 
- En fait non, c'est surtout très con...

09h00, mercredi matin. Maison. Il faut se méfier des habitudes. Pourtant en moins d'une semaine nous en retrouvons. La préparation (très simple) du petit déjeuner, sortir la moto devant l'entrée, attendre que Dulcinée achève son maquillage et s'estime satisfaite de son habillement du jour. 
Après son départ je pompe l'eau (du réseau de la ville à notre citerne sur la terrasse au sommet de la maison). Autrefois je faisais ensuite un peu de nettoyage, là... un minimum, quand je découvre un endroit particulièrement sale je nettoie. Heureusement, tout ce qui concerne notre hygiène, la douche, la lessive le rangement des habits, tout marche bien. 27 degrés, 85% d'humidité... faut pas plaisanter ! 
Vérification du remplissage de la citerne. Ok. 
Hier soir au retour de Dulcinée, pouf, un gond du portail saute. Nous rions. Pauvre maison, bien brave. 
Par prudence je vérifie l'intégralité de la nouvelle du jour. Ok. C'est une de mes rares nouvelles africaines. Une relecture qui me ramène aux "années 80", à mon arrivée à Abidjan (siège de la direction régionale * ), suivie de cette première découverte du Cameroun, courant derrière mon chef, un petit bonhomme qui marchait vite. 
Oui, M'ssieurs-Dames, j'ai aimé l'Afrique. 
- Au fond, Mon Pauv'e Papounet, tu aimes tout le Monde.
- Presque. Tu vois, Ma Juju, je ne connaissais rien de l'Afrique, mieux ou pire: mon expérience du commerce des médicaments se résumait à quatre années de visites médicales à... Genève ! J'y avais appris un "certain vocabulaire" et l'art de subir des cours de formation. Il me semble qu'on m'avait choisi parce que j'étais Suisse (propre en ordre) et apparemment docile ("apte à ne prendre aucune initiative personnelle"). À cette époque le Siège imposait une politique du Grand Tanker", suivez les directives du Head Quarter point. Même mon chef, un allemand basé à Abidjan, vingt ans d'Afrique, ne résistait jamais. Ce furent donc des années besogneuses mais paisibles. Par je ne sais quel miracle mon équipe de visiteurs médicaux se prit d'affection pour moi ce qui me facilita la tâche. J'avais du temps pour observer et écouter. Combien de personnages farfelus franchirent la porte de mon bureau ? Dans combien d'aventures m'entraînèrent-ils ? On a parfois abusé de ma gentillesse et de ma faiblesse mais personne ne m'a "trahi".  

* Le siège régional de la compagnie qui m'employait se trouvait en Côté d'Ivoire. La "région" comprenait le Sénégal, la Guinée Conakry, le Togo, le Bénin, le Burkina Fasso, le Mali, le Niger, à l'ouest et le Cameroun, la Centrafrique, le Gabon, le Congo Brazza, la Guinée équatoriale, le Tchad (j'allais devenir "responsable" de ces six pays dits de : l'Afrique francophone centrale). Durant plus de quatre ans j'allais voyager d'un pays l'autre de cette côte de l'Afrique. Nous habitions à Yaoundé (capitale du Cameroun), Quartier Bastos.

L’Avaleur de maladies

  

J’aime les histoires en cascade, enfin peut-être faudrait-il dire : en gigogne , en poupées russes, ou alors comme ces cartes postales pleines de petits timbres montrant chacun un beau coin, le château historique, la plage, le vieux port, la ville moderne, l’arrière-pays.

 

Avril 2003.

Mike finissait sa bière ne suivant rien que des yeux les gestes d’Ozaylia, une sara déguerpie du Tchad y’a une dizaine d’années. Elle travaillait avec automatisme et lenteur, pourtant le service n’attendait pas.

-          Deux Doug’, un Smash sans glace et un Club bien tassé…c’est pour Frank…le Club.

-          Deux Doug’, un Smash “no ice”, un King Club, répéta la grande négresse.

Elancée, pas l’ombre d’une graisse inutile, un visage dur, des arcades saillantes et une mâchoire de panthère. Elle ne souriait que professionnellement, entr’ouvrant légèrement ses lèvres, just’une seconde.

Edward tenta de ramener son ami là où il en  était resté.

Difficile de suivre Mike. Il partait sur un sujet  et puis soudain silence, se perdait quelque part. Au “retour” il ne savait plus très bien ce qu’il avait raconté ou gardé simplement sur le coeur.

Ils allaient bientôt traverser la rue et grimper au sixième du Toronto Star Building. Réunion journalière de la rédaction, vers les quatre heures. Hardenberg aurait déjà les idées claires, il se contenterait d’un traditionnel tour de table et puis chacun s’y mettrait. La guerre, l’épidémie, choix limité, le bouclier spatial, la fin du vieux renard libéral!

Edward avait réussi l’exploit d’imposer deux colonnes sur la vie quotidienne d’Hakim-le-solitaire de Bagdad, l’à-côté des bombardements, des pillages et des conflits religieux. Comment ce brave bagdadi de cinquante ans faisait son marché, pourquoi parlait-il allemand, sa bataille pour qu’un correspondant étranger lui permette d’utiliser son “mobile”, just’une fois encore, avoir des nouvelles de sa fille exilée  à Londres.

 Si Hardenberg n’avait pas eu dans le sang quelques globules germaniques, enfin prussiens, il aurait envoyé Ed se faire foutre, mais voilà à quoi tiennent les décisions, même les plus importantes, le “buying motive”!. Arrière-arrière… petit-fils d’un ministre qui tenta de redresser le pays peu après une désastreuse et ephémère victoire napoléonienne, “Hard”, ainsi qu’on le surnommait, fut en somme séduit ou flatté qu’un pauvre mec de Bagdad prenne soin de ne pas oublier la langue de ses romantiques ancêtres.

 “J’ai mis en route une “machine”, la buanderie de l’hôtel est déserte, le générateur fonctionne. Là d’où je viens ça veut dire que mon linge est en train de se faire laver automatiquement. Trouve-t-on encore du détergent à Bagdad? J’ai versé du shampoing Et toi Hakim-le-solitaire, qui s’occupe de tes affaires, tu repasses toi-même? Posssible dans ton pays macho…. vas …je rigole!

Hier, au marché Al Nass’hra  j’ai craqué pour une grosse boîte de raviolis, “familiale”, pur boeuf…enfin comment vérifier, six euros! Une bouteille de vin rouge, eh oui, quatre euros…imbattable, sûrement une liquiditation des surplus du Sud-ouest français…tout sauf vendre à bas prix en Europe. Une salade, des patates, une boîte de viande pour chien (en fait je la garde pour le chat de mon ami), un litre de jus d’orange (améliorons nos p’tits-déj’), des yaourts (comment trouvent-ils du lait?)…le tout…, un mois de salaire d’un médecin du  pays.

Tu vois Hakim, ce qui m’ennuie avec mes confrères qui trainent par chez vous, c’est qu’ils ne s’intéressent pas à tout ça. Je voudrais bien savoir comment tu t’en sors, combien tu gagnes, comment…. si tu payais des impôts? Où tu baises?

Le père d’Hakim était un homme cultivé, hélas…toute la suite des événements… Lawrence, l’assassinat du roi, la révolution, la montée du Baas, les guerres…, impossible de donner à ses enfants une éducation sérieuse. Il a fait ce qu’il a pu. Le vieux aimait l’Allemagne et son Romantisme. Il a bassiné ses mômes pour qu’ils apprennent eux aussi cette langue…en IraK? L’allemand! Mais enfin c’est quand même grâce à elle que son premier garçon fut engagé, en son temps,  comme chauffeur, par ce gros businessman de Brême.

Hier Hakim a encore eu un coup de chance, il a pu racheter le stock de tomates d’un gars qui voulait retourner dans son village avant  la nuit. Trois cageots! Il en a donné un peu à sa voisine qui est veuve de guerre et mère de trois jeunes enfants. Le reste il le cuira pour qu’elles durent.

Ici, au coeur du Moyen-Orient, la température monte, l’humidité varie, on transpire dès cinq heures du mat’. J’écoute un vieux disque de Cohen …..un enregistrement “live” de 1979…une contrefaçon chinoise, qu’est-ce qu’il leur a pris de pirater Cohen? Encore, son dernier…”Ten New Songs”…”My Secret life”…je comprendrais. Et qui l’a importé en Irak?

Toi Hakim, qu’est-ce que tu écoutes comme musique, je veux dire… à part le “local”? La “Flûte” de Mozart? Ca repose ton chat…il adore l’arrivée soudaine des clochettes…ding, ding,ding…il sursaute, tu le caresses. Il sourit.

Ah! Cohen…interdit chez toi…un juif. Dommage. Savent pas. Donc pas vraiment interdit. Et par qui?  J’aime sa chanson : ”Field Commander Cohen”…, le refrain surtout  avec les …”yankee dollars”….actuel!

Bon je te laisse…, faut que je travaille…il m’arrive de faire le “nègre”, en douce, pour quelques journalistes de Londres et d’ailleurs, bien sûr après ils reprennent mon article et le patinent mais ça leur évite un voyage et le pain anglais tout mou de l’hôtel. Ces jours-ci, la mode est à cette épidémie mystérieuse qui nous vient de Chine. Je suis en première loge…le SRAS vu du Moyen-Orient!

Je brode  des bêtises avec ce que je pêche sur mes short waves demodées.

 

Gerlach s’ennuyait dans son hôtel. Chaque matin il invitait donc Hakim à partager son frugal petit-déjeuner. A midi Edward lui lançait un coup de fil….le reste il l’inventait lui aussi. Gerlach? Une autre énigme de ce vieux “Hard”. On aurait pu trouver quelqu’un d’autre, un vrai gars de l’Ontario. Non le Red’Chef avait insisté. Gerlach…l’homme de la situation. Le “journal” d’Hakim avait trouvé sa place, page trois. Moins lassant que les armes de destruction et les mensonges politiques.

Là-bas,  calme revenu, l’iraquien trouverait un véhicule, en fait il avait planqué une vieille Mercedes 200 chez un ami garagiste.

Il servirait d’interprète à l’envoyé très “spécial” du Toronto Star.

-          Le plus intéressant va se passer dans le Sud, vous allez voir …l’Iran nous envoie déjà ses mollahs, kopfristutz!

Il faudrait que Gerlach descende du côté des chiites.

 

 -          Mike, regardez cette lettre.

Hardenberg lui donna le temps de lire et se renversa sur son revolving chair.

-          Vous avez saisi?

-          Pas vraiment.

-          Ecoutez, c’est simple, impossible de refuser, l’occasion est unique, ils prennent les frais à leur charge.

-          Vous voulez m’envoyer au Cameroun?

-         Un an! Mike, vous êtes célibataire, homme de terrain et puis si le projet foire c’est pas notre affaire….qui d’autre connaît l’Afrique?

 

La coopération canadienne s’était bizarrement mise en tête de soutenir un jeune journal de Douala. A Ottawa quelques-uns avaient du, long ago, établir les critères définissant la priorité des projets d’aide au Tiers-Monde. Critères aussi nébuleux que l’objectif même de la coopération d’état…un devoir de justice, un échange, aussi mystérieux que les méthodes d’évaluation de ces mêmes projets. 

Le "Premier" Chrétien voulait laisser sa marque avant de partir en retraite, l’Afrique…son hobby! Jean de Shawinigan, le Tiers-Monde, tu parles!

Quant à l’analyse des coûts, des ratios: investissement humain versus équipements ou transfert de know how….une lointaine comète. Mike ironisait parfois.

D’abord on financerait la rénovation des bureaux de la rédaction, l’imprimerie attenante serait ensuite modernisée. Mais la CIC voulait un professionnel pour chaperonner l’équipe locale. Sous le régime libéral, il est aussi de bon ton de mêler le “privé” à la charité gouvernementale.

  -     Bon faudra être prudent question politique, le “Paul” c’est pas un rigolo. D’autre part nous avons certaines garanties d’indépendence et vous serez au bénéfice d’un passeport “noir et or”….pas de danger.

  Mike prit l’avion un mois plus tard. Un gros homme gesticulant avec une pancarte l’accueillit à l’aéroport de Douala….: “Mr.Mike London, Toronto Star”

-          Soyez le bienvenu! Les gens de votre Consulat sont overbusy vous les verrez demain.

-          Bonjour!….

-          Patrice Etendo, rubrique sportive….

 

La CIC lui avait trouvé une chambre à l’Akwa Palace en pleine centre ville.

-          Attention, l’hôtel est sérieux et bien tenu mais ne laissez pas entrer les filles, elles vous plumeraient en vitesse. Vous connaissez l’Afrique?

-          Connaître, c’est beaucoup dire, j’ai fait quelques reportages au Congo, au Tchad…une enquête au Gabon..

-          Ah! Les Gabonais! Princes de la fainéantise! Mais de bons gars!

-          En fait à Libreville je faisais un reportage sur l’activité occulte des Services de Renseignements francais, j’avais une piste, l’ami d’un ami, un militaire qui travaillait à domicile, il servait de courroi de transmission entre la Présidence et la France. Vous connaissez la ville.

-          Un peu….le bowling et les bureaux de Radio Africa Numéro I!

-          Voyez la route qui mène de l’aéroport au centre, le long de la côte?

-          Hum!

-          A la hauteur du Sofitel, côté nord, une petite villa cachée par les arbres, c’est là qu’il “opère”…enfin on a dû le remplacer avec le temps. Il avait deux chiens…un gros berger ….bonne pâte mais impressionnant et un setter irlandais…plutôt âgé, deux gros chats, une femme d’origine  basque, elle enseignait l’espagnol au Lycée français et deux filles, des jumelles qui adoraient chanter Sardou….”Le bon temps des colonies”!

Etendo l’invita dans un petit resto que tenaient ses soeurs à la sortie nord de la capitale économique camerounaise.

La soirée fut chaleureuse. Mike découvrit la Guiness locale, il y resterait fidèle, et les trois  soeurs d’Etendo…pas frileuses.

 Les jours suivants les uns et les autres lui firent visiter la ville et les environs. D’abord les gens du consulat et ceux de la coopération. Il découvrit aussi leur vie de famille et celle d’un ghetto blanc, assez confortable, solidaire.

Un week-en à Limbé, un autre à Kribi, pas loin des Pygmées.

Une jeune célibataire de Montréal, un brin hommasse, l’emmena dans un bistrot, voisin du port fluvial. Le patron, un certain Muller, en avait fait un lieu de rencontre pour…européens-blancs de peau. On y servait une cuisine “suisse”, rösti, fondue (!), emincé à la zurichoise, saucisson vaudois, viande séchée des grisons…pastis et whisky international!

C’est sans doute grâce à son statut “neutre” que Muller pouvait ainsi accueillir et mélanger…français, anglos, belges, allemands, canadiens, italiens,….Si les gaulois dominaient,  ils savaient se tenir.

Le face du tenancier avait depuis longtemps tourné au gris computer….cyrrhose classique mais il tenait encore sur ses jambes, cornaquait efficacement ses brigades  de cuisine et l’équipe de salle. Les demoiselles portaient un costume d’Appenzell et les garçons la blouse des vachers fribourgeois.

 -          Sans blague, il arrive à importer du vrai Gruyère…pas de l’ ”emmental francais” et aux grandes occasions il sort ses bouteilles de derrière les fagots…du blanc….du sec qui sonne le cerveau et claque sous le palais.

-          Y’a longtemps…

-      Un an et six mois...la moitié de mon parcours. Vous connaissez le dicton….le gars qui passe  trois jours en Afrique en parle toute une semaine, celui qui y a vécu un an…n’en cause qu’une heure et les autres la ferment!…ou celle du pastis…le premier on rappelle le serveur…”change moi ça presto, y’a une mouche dans mon verre”, un mois plus tard on éjecte de l’index la vilaine bête….d’un index indifférent…après….on avale le pastoche avec l’insecte…Je tiens  le coup.  C’est des conneries ce que je raconte mais tout est là. Au journal ça se passe comment?

-     Pour le moment j’observe, j’écoute, je m’informe, je pose des questions. Jusqu’ici j’ai réussi à me faire une idée…pas trop claire…des uns et des autres, des hiérachies officielles, officieuses…des autres rapports de force. Pas mal de questions tribales. Le vieux tient son équipe!

-     Sans te vexer…évite le mot “tribal”, paraît que c’est une invention des western. Ca n’existerait que dans nos têtes. Ethnies….c’est politiquement correct.

 Le journal, “IndependAEnce”, se voulait  un défi….pas un défi au pouvoir de Yaoundé, bien qu’il ait risqué quelques piques à l’occasion d’élections ou lorsqu’un gros budget s’était fondu honteusement dans la nature.

                                     Bi-lingue!

Comme le pays. Un choix audacieux. Les deux-tiers en français. Et sous le titre ”IndependAence on lisait :” La chèvre broute là ou on l’attache, take it easy”. Rubriques classiques: l’Internationale, l’Africaine, Sous-continentale (eux parlaient de “sous-région”), l’Economique, la Sportive, des infos “santé”, la mode, la musique,…rien de très original à l’exception de ce mélange d’anglais et de français. Car la rédaction avait franchi allègrement le pas et on ne partageait pas deux articles en francais et un en anglais. Non, le titre pouvait apparaître dans une première langue, suivi d’une brève introduction…la suite basculait alors en français par exemple pour  se conclure en dix lignes anglaises…ou vice versa.

  Mike se demanda ce qu’il venait faire par ici, l’équipe rédactionnelle lui paraissait dynamique, créative,…même disciplinée…on clôturait toujours à temps, ou presque.

Le directeur s’appelait Augustin Kum, la cinquantaine (il découvrirait plus tard qu’il en avait réellement dix de plus), court, le nez légèrement retroussé, une voix douce, un bouc grisonnant. Chrétien méthodiste, humour grinçant.

Il jouait sans cesse avec un crayon jaune qu’il balançait entre l’index et le majeur mais sans jamais le ronger ou en briser la mine!

Il notait tout dans un gros cahier d’écolier. Lorsqu’on changeait d’avis il sortait sa gomme et finissait par souffler les poussières de caoutchouc.

Devant lui une bouteille de Perrier, un morceau de citron et une tranche de papaye. Il arrivait vers les sept heures du matin et ne quittait son bureau qu’à la nuit tombée. Lorsqu’il était d’excellente humeur il nous parlait de Madame Koum, son épouse acariâtre, une femme sévère, énorme et mère de huit enfants vivants.

Autrefois il avait été instituteur à Limbé (ex-Victoria).

M.Kum se chargeait de la politique nationale et de la sous-région.

Etendo rédigeait seul une double page sportive, sans se gèner pour pirater quelques photos dans des publications étrangères. Une fois “scannées” Patrice s’arrangeait pour revisiter leur background, histoire de personnaliser l’image. Il les soustitrait sans honte, n’omettant jamais le ã IndependAEnce”. Une petite agence nationale et crevotante leur vendait régulièrement des clichés à un prix de liquidation.

Isaac Mabatto avait étudié le droit alternatif à l’université (bi-lingue) de Yaoundé mais comme sa licence ne l’avait mené à rien, son oncle (M.Kum) l’avait engagé.  Il couvrait l’Internationale en suivant aussi quelques procès en cours, affaires de corruption ou de détournement d’argent. Son mentor et guide attentif lui avait appris à tirer systématiquement des parallèles entre les scandales du continent et ceux de France … ou d’Amérique, l’air de murmurer aux moralisateurs “voyez, ailleurs aussi”…ou alors pour devancer une censure inquisitrice….”si en métropole on ose en parler pourquoi pas chez nous?”.

Lucien Mbessike naviguait le plus souvent au bord de la déprime, il rédigeait des pages entières sur d’affreux crimes, des amputations sauvages à la machette, des maris vitrioleurs, des “morts subites”, des foetus jetés aux ordures, des oncles fornicateurs, des bus écrabouillés par des camions sans freins ni lois.

Il était de loin le meilleur pour passer de l’anglais au français, pour revenir à l’une et l’autre langue dans un style nu, simple, limpide, rapide et parfois terrifiant par son obsession du détail macabre. Un “Sim” équatorial! On lui reprochait une prose trop facile. Il savait rendre le méchant sympathique.  

Martine (personne ne l’appelait jamais autrement) était une femme “mature” comme on l’entend chez les anglo-saxons. Elle remplissait goulûment shirt and  jean’s, sans  complexe, une belle négresse bourrelée de partout. Son cul rebondissait si bien qu’un enfant aurait pu s’asseoir dessus.

  Et puis surtout son humeur éternellement joyeuse. Elle apostrophait chacun, sa voix rauque réveillait la tablée de rédaction…après une interminable intervention du “boss”. La mode, la musique, le cinéma, la vie tout simplement.

Tchélo, lui, était né congolais, de Brazza ou Pointe-Noire mais il avait un jour perdu son chemin. Ses camarades le surnommaient :”le Che” car il parlait souvent des heures glorieuses du marxisme-léninisme de la première période Sassou-Nguesso (avant les Cobras, avant son mariage avec cette pédiâtre, la fille de Bernard Hadji Omar Bongo), le balayage du samedi matin, les corvées à la campagne pour les étudiants de l’université Gorki.

M.Kum lui laissait le reste, “le Che” écrivait sur tout et sur rien, il jouait le jeu, du candide, du contre-pied, du visiteur étranger, de l’envoyé spécial. Son grand plaisir : les fausses interviews. “Pourquoi se gèner, lançait-il souvent, les PPDA, King & Co nous ont ouvert li chemin, suivons li-blancs…camarades!..c’est la lu-u-u-tte ana-a-le…enculons-nous sur la placeu publiqueu…”.

Mais il conservait cependant une éthique personnelle et n’interrogeait que des célébrités imaginaires. Son directeur le laissait faire. En plus “le Che” avait un joli coup de crayon et savait  habilement caricaturer quelques illustres personnages.

Mike proposa d’écrire une rubrique quotidienne : “A Glance from Abroad” . Il aborderait les aspects surprenants (à ses yeux étrangers) des us et coutumes du pays, en profitant, à l’occasion, pour décrire certaines équivalences et similitudes canadiennes ou européenes.

La coopération lui demanda de jeter un oeil sur les dépenses du journal, sur la gestion. M. Kum s’en référa à Eulalie et Clémentine….secrétaire et comptable.

 Un mois après son arrivée, l’envoyé du Toronto Star suggéra quelques changements afin de faciliter le processus rédactionnel, créa une “time-table” mobile sur douze mois. Il en avait discuté de longues heures avec le “patron”, son Perrier et sa papaye.

-          Douze mois!

L’équipe n’en avait jamais rêvé. Eux, jusqu’ici, rédigeaient leurs articles “à la petite matinée” et encore.

-          Regardez. Il déroula l’énorme affiche qu’il avait préparée avec l’aide de l’équipe du consulat  (qui hébergeait le délégué de la CIC). En utilisant un planning de ce genre, libre à vous de le modifier, of course, vous pourriez obtenir un financement additionnel de la Communauté Européenne. Je ne devrais pas vous l’avouer si brutalement mais ne comptez pas sur un support éternel de mon pays. Lorsque l’Imprimerie Banga sera rénovée, on la soutiendra probablement un an ou deux mais après…..l’imprimerie et le journal…vous vous retrouverez à nouveau tout seuls!

Y’a un disque pour chacun de vous, programmez-y les manifestations importantes, élections nationales, réunions sportives, foires, expositions, à mesure que vous en découvrez les dates. Eulalie reportera l’essentiel sur cette page. Si le budget le permet certains pourront se déplacer à travers le pays, et qui sait ….pourquoi pas recruter un correspondant à Yaoundé, Ngaoundéré, Limbé, …à la pige, pas des “permanents, je pense à des enseignants,… par exemple”.

Enfin, vous le voyez ici…”développement marketing”. Je pourrais vous aider…modestement. Trouver de la “pub” chez les compagnies étrangères. Eulalie sera formée à la “démarche” des sociétés nationales. En commeçant par des insertions publicitaires à prix modique, pourquoi pas gratuites, parfois…j’sais pas….pour des matchs de foot, pour un nouveau film…tenez…vous passez l’annonce d’un festival rasta…gratos…le gars vous refile un ticket d’entrée, un poster,…une info privilégiée…

Clémentine prend en main le service des abonnés, encore une fois: “directory” des compagnies étrangères, je lui ai refilé la liste des expats, les recteurs des unis, les chefs de l’administration,….

La vente, là aussi…, M.Kum et moi en avons parlé longtemps, on renforce les points de détail habituels, kiosques, boutiques, supermarchés,… on augmente leur marge et on leur offre un bonus par palier de cent. Enfin l’ONG “Streetboys” accepte de nous “louer” une vingtaine de jeunes SDF, deux par district, en couple c’est plus safe, vente à la criée. Ca les changera du shoe shine. Couverture complète de Douala.

Mieux. Chaque matin deux mille exemplaires partent pour Yaoundé avec l’Express de six a.m., on en largue cinq cents à Edea, le reste continue sur la capitale…là, same same: les “Streetboys” réceptionnent les colis à la gare et distribuent le tout avant la fin de la sieste.

On verra le résultat dans six mois…si c’est positif…on se tourne du côté des anglos, à l’Ouest, on remonte jusqu’à Bafoussam et Bamenda… Limbé, Kumba.

Je n’ai aucun commentaire à faire sur la répartition des rubriques, one more thing, commencez à penser “Cameroun-Cameroon” et un peu moins “Douala”. Je veux dire …pensez aux lecteurs de tout le pays…qu’importe s’il n’y en a qu’une centaine ….au début.

Dernier point: on va l’envoyer free of charge, un ou deux trimestres, aux Ambassades, Consulats et autres Organisations internationales. Enfin on en offrira une cinquantaine à l’hôpital Laquintinie. Et une centaine pour les Ministères de Yaoundé, les fonctionnaires ont le temps de lire le journal!…et d’en parler!

-     Mesdames, Messieurs,….total cinq mille exemplaires! On entre dans le sérieux!  Ce qui veut dire dans le colimateur des jaloux et de la concurrence…..concurrence nationale!

Monsieur Kum avait conclut avec un joyeux sourire, euphorique. L’aide de la coopération, une possible rallonge de la Communauté Européenne, pourquoi ne pas associer le British Council et l’Alliance francaise. Ils ne pourraient tenir qu’un un an à ce rythme ambitieux. L’entreprise ne survivrait qu’au-delà de dix mille exemplaires …vendus! Si jamais l’aventure tournait mal on aurait le temps de redescendre sur terre.

 Le Directeur distribua à chaque journaliste son “cahier des charges”. Il résumait la tâche spécifique des uns et des autres, surprise: les rédacteurs disposaient d’un budget personnel (remboursement sur justificatifs).

Mike avait revu les dépenses du quotidien, les frais d’imprimerie, les possibles rentrées publicitaires, les coûts de distribution, etc…

-     Ah! encore une dernière info, excellente, continua M.Kum: je vous augmente, vous aurez un vrai contrat, vous payerez des charges sociales, Mesdames et Messieurs,… et des impôts, bref le journal devient une société anonyme. Le soutien des Canadiens devrait nous permettre de tenir…alors… à vous de jouer… Objectif: doubler le tirage! Allez, on y go!

-     Sorry Boss, je ne voulais pas la garder pour la fin, j’oubliais,…la best news….le scoop…on refait les chiottes et on installe un tank sur la terrasse…fini les….

Tout le monde applaudit, on sortit les Guiness, Martine, Eulalie et Clémentine ne furent pas les dernières à se jeter sur la glacière! 

Mike avait déniché une modeste “villa” en plein quartier Nylon. Il avait les moyens d’employer deux gardiens, un de jour l’autre de nuit. Joseph et Jean-Marie. Il se paya une moto occasion, une affaire sûre, une Kawa Trial, un expat tout empaludé la liquidait en catastrophe avant de rentrer chez lui.

 Un trimestre déjà. Chaque jour au hasard de ses escapades, il tombait sur une famille ou une autre, le journaliste écoutait…après avoir brièvement expliqué qu’il venait du Canada, un pays où il y’a d’la neige en hiver et plein de maringouins en été….Il prenait des photos.

On hésitait parfois à l’inviter, à franchir le pas de la maison, vieux complexe de pauvres. Mais il apprit à inspirer confiance. Jean’s et chemise à carreaux, baskets. Quelques fruits en cadeau.

De retour au journal, il se saignait de deux ou trois articles, choisissait deux ou trois photos (numériques) formatait l’ensemble dans l’espace qu’on lui réservait. Tiens, que devenait Gerlach? Il y songeait parfois,…bloody Gerlach! 

A quatre heures l’équipe se retrouvait pour les dernières corrections et commentaires, presqu’une routine. M.Kum clôturait l’édition à la tombée du jour, sans regarder sa montre, rien que le soleil se coucher sur le fleuve Wouri.

-          Bon, espérons qu’il n’arrive rien d’important d’ici demain matin.

Et puis il murmurait à l’attention du Ciel: “Merci, Seigneur,…un jour de plus”.

L’Imprimerie Banga logeait à l’étage du dessous. En fait au rez de chaussée. L’atelier, le stock papier, les vestiaires, et le local d’expédition et de stockage. Une vieille bâtisse coloniale, étouffée par un immense toit de tôles ondulées.  

A cinq heures du matin six motards lançaient bruyamment la distribution, d’abord aux points de vente fixes, ensuite dans les quartiers de la périphérie, tandis que l’antique Combi-Toyota filait déposer ses deux lourds colis à la gare et deux autres au siège des “Streetboys”, rue Pasteur, derrière la Poste Centrale.

Vers les midi trente l’affaire était liquidée.

Clémentine comptait la recette…, faire cracher les “Streetboys” un combat quotidien!

En dehors de ses expéditions journalistiques, Mike entreprit une tournée systématique des entreprises “occidentales”. Blanc de peau, on le recevait sans rendez-vous, on sympathisait parfois. Il n’eut aucune difficulté à ramener quelques contrats d’insertions publicitaires, le tarif étant raisonnable et attractif.

Il fit un effort pour se mêler au ghetto des expatriés. L’atmosphère y était souvent écoeurante mais la nourriture (barbecue) délicieuse. De plus ces gens ouvraient sans compter leurs meilleures bouteilles..., exclusivement du bordeaux.

Un monde à part: la coopération militaire française, surtout des médecins sur la Côte, les vrais guerriers se concentraient à Yaoundé où ils formaient, en collaboration avec Tsahal, l’élite de l’armée camerounaise et la garde présidentielle.

A Douala, les médecins-officiers travaillaient sans uniforme, tous d’excellents chirurgiens, ou des spécialistes de la lèpre, du paludisme, de la tuberculose. Certains lui proposèrent de l’emmener…en “brousse”. Il accepta avec plaisir.

En accord avec Monsieur Kum, Mike décida d’inaugurer une page à l’attention des résidents étrangers. Ca naviguait entre…des joûtes sportives et des actions humanitaires, en croisant l’ouverture de l’année scolaire aux lycées francais,  l’annonce du programme du “Goethe Institute” ou celui de l’Alliance, le Noël orthodoxe grec, la fête nationale coréenne, la vente de charité libanaise, un don de US AID…. Quelques suggestions de vacances au Nord. Tarifs réduits pour les “home leave” annuels. Ou commander les livres pour la prochaine rentrée scolaire. Le meilleur shop de vidéo-pirates.

Le Canadien encouragea Martine à publier, chaque jour, une recette de cuisine, simple et sainement équilibrée. Elle y indiquait aussi les prix du marché. Il lui montra comment on calcule le coût d’un repas, par “estomac”. La diététicienne d’une ONG en goguette lui ventilait les répartitions…nutritives…caloriques, les protéines, vitamines, phosphates,…le meilleur pour l’enfant en croissance, pour la femme enceinte, pour le mari fatigué, pour le grand’père, l’étudiant aux examens…

 -          Vous habitez le quartier Nylon? Pas de problème de sécurité?

-     Non, pas trop jusqu’ici mais je n’ai rien de précieux chez moi et chaque soir le boy rentre la moto au salon où je l’enchaîne! Pas de télé, just’une petite radio et quelques disques, un walkman. Deux gardiens.

-          Des nordistes?

-          Oui.

-           

-          Des saras! Kousséri, ils vivent en se moquant des frontières, beaucoup d’aveugles par la-haut, l’onchocercose. Il nous faudrait un nouveau Jamot en Afrique…

Sont bien avec leur arc et leurs flèches empoisonnées. Vous avez  entendu parler de ce guérisseur? Il vit pas loin de chez vous me semble-t-il, près du dépôt de la Camsoc, au croisement de la Mort Subite, une grosse maison, genre “bunker”, sur deux étages, des fenêtres de prison?

-          Non…on m’a parlé d’un tas de “médecins traditionnels”, j’hésite à entrer dans le sujet…les guérisseurs!!!

-      Lui, là c’est autre chose, une sorte de phénomène. Parlez-en à votre Monsieur Kum, je suis certain qu’il le connaît.      

    

König ne s’était pas trompé. Le médecin-capitaine aurait bien voulu l’accompagner, par curiosité, mais il devait garder une certaine réserve de fonction, protéger l’image de la France et de ses Armées. Qu’ils aient abandonné l’uniforme n’y change rien, ces toubibs de l’IMTSSA restent des soldats.

Samuel Ibrahim Markus Yetna!

L’approche fut longue et tortueuse. Kum l’avait averti. Ses deux femmes et ses huit enfants le protégeaient.

La famille Yetna habitait à deux pas du Carrefour Camsoc, croisement de la Mort Subite, à l’ouest du quartier Nylon, pas loin de la route Edéa-Douala.

Une immense bâtisse cubique, sans volets, sans toit, sans peinture, fenêtres à barreaux! Une enceinte garnies de pics sévères et repoussants.

Il y avait écrit au sommet du portail principal: “Clinique et Maternité de Maman Janine”. Et puis un peu sur la gauche une autre porte, plus discrète avec une enseigne colorée : “Béatrice Fashion, Pourquoi descendre en ville?”.

Béatrice portait aussi le titre de “Petite Maman” et s’adressait à Janine, première épouse, en usant d’un respectueux et tendre: “Grande Soeur”.

La couturière (et modéliste) ne ressemblait en rien aux femmes “douala”. Son père corse avait disparu sans laisser d’autres traces apparentes de son séjour sous les tropiques. L’homme avait travaillé sur un chantier forestier près de Kribi.

Sa pauvre mère éleva son enfant toute seule, en servant d’esclave à un grand-père aveugle et autoritaire, pas loin de Kumba.

Yetna avait épousé Maman Janine en grandes pompes. Sa solide conjointe avait suivi une formation d’accoucheuse, elle venait d’une famille aisée, originaire de M’Balmayo, pays du Président. Une ardente féministe.

Elle accepta Béatrice. Celle-ci ne cherchait jamais à contester l’autorité de sa “Grande Soeur”. Chacune fit quatre enfants, la deuxième moitié d’entre eux naquit ici, à la “Clinique et Maternité de Maman Janine”.

Samuel Ibrahim Markus Yetna était depuis longtemps convaincu qu’il ne goûterait pas au plaisir d’être un vieil homme assis sur un banc devant la maison. Aussi décida-t-il de construire ce blockhaus afin d’abriter le commerce de ses épouses et de leur assurer, ainsi qu’à sa progéniture, une sécurité matérielle durable. Cette entreprise engloutit son énergie et son argent, durant dix-sept ans.

Le grand-père Yetna avait connu l’occupant germanique. En 1909, la Deutsche Bahn  l’engagea en qualité de chef d’équipe lors de la construction de la voie (étroite) du chemin de fer : Douala-Yaoundé-N’Gaounderé. L’entreprise dura quatre ans. Assez pour qu’il assimile la langue de ses maîtres, il était capable de la lire et de l’écrire correctement… ou presque!

Quand les allemands durent quitter le pays, six ans plus tard, il força, malgré tout, son fils aîné à apprendre cette langue désormais inutile.

-   C’est précis, c’est clair, tous les grands savants parlent l’allemand, et aussi les musiciens, les poètes.. Einstein, Mozart, Goethe…

Le prévoyant grand’père investit ses revenus dans un commerce de matériel et de matériau de construction, en 24 il s’associa à un français d’Edéa, un certain Destouches, qui importait des tuyaux, des bidets à la turque et à l’anglaise, des cables électriques, des outils et même du ciment et de la peinture.

 Le contre-maître baptisa son premier né: Wilhelm.

Le jeune homme hérita de l’affaire familial, prit en charge l’éducation de ses frères et soeurs et épousa sa voisine dejà bien grosse.

       -          Bon, questionna l’grand’père, comment vas-tu l’appeler ce petit kinder?

-          Je pensais: Samuel (toute la famille venait en effet de rejoindre l’Eglise du Septième Jour).

-          Markus en premier…Samuel d’accord, aber…heu … d’abord…Markus.

-          Clémence aurait souhaité qu’on ajoute Abraham.

-          Abraham?…so... Markus Samuel Abraham Yetna.

L’aïeul parut satisfait.

Samuel Abraham Markus Yetna venait de fêter ses sept ans. Son père Wilhelm lui ramena du marché une petite chèvre noire. La biquette devint rapidement sa compagne de jeu et la complice de ses confidences.

A la sortie de l’école il se dépèchait de rentrer chez lui pour emmener la chèvre brouter le long de la route encore peu fréquentée, ils filaient à travers le maquis et restaient de longues heures au bord de la Sanaga, derrière le chantier de l’Alufrance.  

-          Fais gaffe, Biquette, maman Clémence prétend qu’y’a des hippos et des crocodiles!

-          Pas si près des rapides, Sami-bê-bê!

La bête pouvait parfois se montrer mauvaise joueuse avec les camarades du jeune garçon. Elle n’hésitait pas à  montrer ses cornes en grattant furieusement le sol de latérite. A la moindre moquerie, elle fonçait, tête baissée…

Maman Clémence se plaignait souvent de l’odeur en déshabillant son Sami’braham  pour le laver de fond en comble dans l’énorme bassine de métal blanc.

Et puis voilà, un jour quelqu’un décida d’emmener la biquette chez le boucher du quartier qui en fit des morceaux pour le grand repas de Pâques où l’on invitait  toute la parenté.

“P’isque c’est ainsi je deviendrai infirmier, kopfristutz”. Il y avait eu des larmes, du désespoir, de la révolte et puis le prêtre, un père dominicain, originaire du Moléson, en Suisse, avait su trouver les mots de consolation. Comme toute bonne rédemptrice, Maman Clémence se méfiait de ce catholique-en-jupe-de-sorcier mais il n’y avait que lui “capable” de tenir l’école de L’Ane Rouge, sur la Montée Fatiguante.

-    Tu sais Samuel, tu dois convertir cette tristesse en amour, le Bon Dieu de ta maman serait d’accord, il y a tant d’énergie en toi! En grandissant et après surtout, chacun reste libre de transformer ses malheurs comme il l’entend: en haine, en révolte …ou pour le bien des autres. On ne réussit que ses rêves dans la vie…le reste…on bricole.

 Le jeune Markus devint infirmier en 1960 quand le pays découvrait les dessous de l’indépendence, la pluralité ethnique (180), les tensions entre chrétiens du sud et musulmans nordistes. Le Victoria choisit de rejoindre la fragile fédération camerounaise pour échapper au Nigéria. Sous la Présidence Ahidjo, Samuel choisit de modifier son deuxième prénom….Abraham pour en faire un Ibrahim, acte de consensus social et religieux. On allait construire un Cameroun moderne et juste!   

On l’affecta au Nord où l’on manquait de medecins. Il s’improvisa chirurgien malgré lui et sauva de nombreux frères musulmans. Là-haut, du côté de Maroua, il était devenu “Sidi Ibrahim”.

Il trouva finalement un poste à l’hôpital de Laquintinie (Douala), vers les années “septante”. C’est là qu’il rencontra Janine, une sage-femme qui gueulait dans les corridors…sommant une parturiente : "Pousse", une autre de patienter,…retenant par le col de sa blouse un gynéco qui s’enfuyait,…..

En 1976 un allemand (!) travaillant pour une firme pharmaceutique lui offrit de devenir “délégué médical” !

Nebelwein trainait dejà plus de dix ans en Afrique. Il fumait sans cesse. Un petit bonhomme sec et agité. Etrange mélange! Profondément raciste, il y allait souvent d’un “les africains sont pas comme nous”  concluant par “faut les tenir par le licou…sinon”.

Mais juste. Il payait bien.

Et puis il savait les écouter, prenait le temps avant de conclure:

       -    Bon d’accord mais on fera d’abord comme dit….le Siège!…et puis si ça marche ailleurs…pourquoi pas ici?

On avait basé ce saxon à Abidjan. Sa femme était une française du sud-ouest, née Mac Millan, une emmerdeuse qui avait toujours la bouche ouverte. Heureusement Nebelwein passait son temps d’une ville à l’autre de la Grande Côtière: Brazza, Libreville, Douala, Cotonou, Lomé, Dakar, avec des pics sur Bamako, N’djaména, Niamey et Ouaga,….

Il crèverait plutot que de rentrer en Europe!

Samuel Ibrahim Markus Yetna fit un bond considérable dans la hiérachie sociale. Il roulait main’nant en Peugeot 304, couvrait un territoire immense et changeait de pneus deux fois l’an.

C’est bien sûr au cours d’une de ses tournées qu’il tomba amoureux de Béatrice. On la lui céda pour le prix d’un buffle qu’il paya cash. Samuel aimait et respectait Janine sa seule épouse officielle mais il avait “la” passion pour Béatrice.

Il tourna longtemps autour de pot avant de se jeter à l’eau. Janine fit une scène terrible, pleura mais elle accepta finalement cette demi-corse-fille-de-rien! Un buffle!

Lorsqu’ils se lancèrent dans la construction du blockhaus, le rez fut partagé inégalement entre la “Clinique” et l’atelier de couture, le premier étage, lui, fut divisé en sept pièces: un dortoir pour les garçons, un autre pour les filles, une chambre avec salle de bain pour Maman Janine, une plus petite pièce pour Béatrice…avec douche uniquement, un immense salon-salle à manger pour les occasions spéciales et la séance-télévision, une cuisine avec une grande table pour le quotidien et enfin une buanderie-douches (filles et garcons séparés).  

Mike proposa d’écrire un article sur la maternité et Maman Janine expliqua longtemps qu’elle avait toutes les autorisations, les papiers et les cachets.

Quinze jour plus tard elle lui suggéra délicatement de publier quelque chose sur la mode et les créations de sa “Petite Soeur Béatrice”.

Il accepta et revint le lendemain en compagnie de Martine.

Martine et Béatrice riaient à l’atelier.

-          Et votre mari, c’est quoi son “job”?

-          Oh! la,la! D’abord il a été infirmier et puis il a travaillé pour des étrangers, la propagande médicale. Maintenant il est à la retraite. La fatigue le prend.

Mike devint un ami des épouses de Samuel Ibrahim Markus Yetna, et c’est par elles qu’il apprit l’histoire du grand’père contre-maître-pour-les-allemands, le destin tragique de la chèvre noire, la gentillesse du père blanc, les opérations angoissantes dans le Nord, l’apparition de Nebelwein, les Peugeot, 304, 404, les pneus qu’on revendait en douce au marché….  

Parfois il n’en rencontrait qu’une et en profitait pour la questionner plus intimement sur la vie de famille.

 Finalement on l’invita pour un repas. Les Yetna célébraient l’anniversaire de Peter Njofon David, le cadet, l’espiègle.

Samuel Ibrahim Markus Yetna ne fit son apparition qu’en fin de soirée. Un géant usé! Les femmes renvoyèrent les enfants.

L’homme avait un regard tendre et généreux.

-          On ne réussit que ses rêves dans la vie, le reste….

Ses épouses lui présentèrent les plats. On remplit son énorme chope de bière, il y pressa un citron et fit tomber deux sucres. Béatrice remua le breuvage. 

Mike parla du journal, des rubriques, de l’ambition, du Canada,….

-          Vous n’êtes pas marié?

-          Je voyage tout le temps. 

-       Béatrice rêve toujours de voyages, vous savez elle rêve tout le temps. L’autre matin elle me racontait que je devenais président de la république et qu’elle travaillait à la télévision, un programme où l’on donnait des conseils aux ménagères, la couture, faire son marché, l’hygiène des enfants, je me demande si elle avait bien rêvé tout ça ou si elle l’a inventé sur les toilettes. Janine garde la tête sur les épaules, une parfaite sage-femme, tout aux poignets, rien au forceps!!

Samuel fit signe qu’on les laisse seuls. Maman Janine tenta une grimace mais elle s’exécuta finalement et referma la porte derrière elle.

-     Vous nous tournez autour! Ce qui vous intéresse c’est de savoir si c’est vrai, si j’avale les maladies, vous faites le gentil, un journaliste reste un journaliste.

 Il raconta simplement qu’un soir il avait vu un film à la télévision, enfin une cassette louée à la boutique de l’”arabe”, un libanais qui faisait ausi le pain pour le quartier.

-     Vous savez, j’suis certain que vous l’avez vu, ça se passe en Amérique, dans une prison. Un gros africain attend d’être électrocuté, y’a cet acteur qui jouait dans Apollo 13 et aussi ...Forest Gump..ah! j’ai oublié son nom, là, il fait le gardien. Quand j’ai vu ce prisonnier se concentrer, un géant nègre, j’ai serré les dents, mon ventre s’est noué. Le lendemain, par hasard, j’étais resté à trainer à la maison pour mettre à jour mes fiches, Maman Janine m’appelle, une jeune primipare perdait les eaux et ça se présentait mal, elle ne poussait pas, elle gémissait, c’était pas une fille de Nylon, une fille “bami”, une étudiante engrossée par un camarade d’école et qui venait délivrer en cahette. Maman Janine voulait que je lui tienne les bras mais moi j’ai posé mes mains sur le front de la petite et je me suis concentré, la mâchoire serrée. D’un coup toute la douleur de la gamine est rentrée en moi, le long des bras et des épaules. Je la sentais passer. Maman s‘occupait des jambes et du cul du bébé qui pointaient. Elle a pondu son enfant! J’étais mouillé de sueur!

 Et puis, plus tard, il y a eu l’amie de Béatrice, une grosse tumeur au ventre, elle voulait que Maman Janine la voie avant d’aller à l’hôpital. Pourquoi ai-je collé mes mains sur son ventre? Ah! Oui! Maman voulait mon avis. La femme s’est sentie mieux. Je transpirais, j’avais mal au coeur. Ensuite un gamin est tombé sur la tête, on l’a ammené ici en urgence en attendant une voiture qui puisse le conduire à l’hôpital. Il saignait des oreilles, il avait perdu connaissance, la mère hurlait de désespoir. Voilà, la rumeur a fait le reste. Pendant un an il en est venu de tout Nylon et après…ceux de la ville, des vieux et des jeunes, des villages voisins. Je pose mes mains et je ferme les yeux. Je sens la douleur qui pénètre mon corps, le malade va mieux, enfin pour un temps, je n’en sais rien, on ne les revoit presque jamais.

Dix kilos en un an et mes cheveux ont tourné au gris. Alors Béatrice et Maman Janine font le barrage pour qu’on me laisse tranquille, parfois c’est pas possible on ne peut pas refuser, surtout les enfants.

 Mike ne posa aucune question. Il n’écrirait rien, just’un mot ou deux à l’attention personnelle du Dr König qui lui garderait le secret.

 Il revint encore trois ou quatre fois.

Le journal tournait bien, on avait franchi les huit mille.

Mike fit ses bagages en Septembre 2002, organisa un “pot” chez Muller qui venait de se faire évacuer en urgence…tout jaune.

Le journaliste fit cadeau de sa moto à Jean-Marie, le gardien de jour, le walkman pour Joseph avec des piles de rechange et la batterie de cuisine.

Enfin il décida de venir dire au revoir à la famille de Samuel  Ibrahim Makus Yetna.

L’avaleur de maladie avait encore maigri et n’eut pas la force de se lever pour le recevoir.

-          Monsieur Samuel, j’ai un cadeau pour vous!

Il ouvrit un grand sac de farine et en sortit une petite chèvre blanche et noire. Yetna la prit sur ses genoux et pleura.

-          J’espère que vous lui trouverez un coin dans le jardin…et qu’elle ne bouffera pas toutes vos plantes!

-          Claudia…., c’est un joli nom…Claudia…, hum?

-          Claudia!

Etendo l’accompagna à l’aéroport. Mike restait silencieux tandis que son compagnon n’arrêtait pas de revenir sur cette “sacrée fiesta d’hier soir”!

-          Dis,  Mike, je ne t’ai jamais demandé….tu t’es fait quelques petits culs par ici?

La question sortit le Canadien de sa rêverie.

-          Martine, Eulalie et Clémentine….et un gros volume de l’Ambassade.

-        Ah! Les coquines….dis comment t’as fait pour qu’elles ne s’entretuent pas, mon vieux,…tu sais personne n’a rien vu! T’as de la chance… d’habitude la Camerounaise est crocheuse, elle lache pas le bonhomme! Comment t’as fait?

 Mike ne répondit pas. D’ailleurs il ne savait pas.

Etendo revenait sur le sujet.

-      Tu sais, moi je me suis fait “la blanche”, une fois, une touriste allemande, une athlète, je crois qu’elle était gouine sur les bords, elle avait just’envie d’essayer une bite noire.

 Avril 2003

-          Eh! Mike, t’es reparti en Afrique? 

Edward recommanda deux bières…brunes.

-          Bon, on les siffle et on y va!…non, non, c’est ma tournée….Ozaylia….

 La sara  tourna les yeux vers les deux amis assis au comptoir, sans articuler une seule de ses sept cervicales.

-          Dis, Ozaylia, tu t’ennuies jamais de ton pays? Parce que lui….

Elle entrouvrit les lèvres, une seconde.

Hard fit son numéro, comme d’hab’. Ensuite il passa à un autre sujet, surprenant la tablée. 

-     Bien c’est sérieux, les infos d’agences ne suffisent plus…un volontaire pour l’Asie, Messieurs, maintenant que les chinois se sont rendus compte de la gravité de la situation, m’faut un gars pour aller voir sur place. Mike?

-     Non, pas question, le SRAS je m’en fiche et puis l’Asie m’ennuie, ces gens-là ne pensent qu’à faire du fric. Le sujet va tourner sur les conséquences économiques….ça ne m’interesse pas. Trouvez un autre “imbécile” qui s’y connaît en business…tiens…Jo….c’est pour toi… catastrophe en Chine…la croissance en danger…, baisse de deux points!

Hard rappela son journaliste à l’ordre. Chacun fut surpris de la violence des propos de Mike.

Jo se porta finalement volontaire.

L”imbécile” se ferait quelques salons de massage.

Edward observait son ami assis à quelques distances de son bureau.

L’”Africain” relisait une lettre arrivée la veille. Elle annonçait bien sûr la mort de Samuel Ibrahim Markus Yetna.

Béatrice avait fait court, elle écrivait mal.

“……mais votre chèvre Claudia a été son grand bonheur durant les derniers mois, notre Samuel passait des heures à lui parler et à la caresser, Maman Janine demande que je vous rassure, qu’on en prendra bien soin et que personne ne la mangera jamais…..”

Il se leva, fit un petit signe à Edward qui n’insista pas.

Assis au bar, il ne retint plus ses larmes. Ozaylia connaissait l’histoire de l’avaleur de maladies, Mike l’a lui avait raconté deux, trois, dix fois.

-          Il est mort “ton” guérisseur? C’est ça?

-          Hunhum.

-          Qui sait il aura peut-être transmis le don à l’un de ses enfants…

-          Non, j’crois pas, c’est une chèvre qui l’a hérité mais personne ne le saura…heureusement.

-          Une chèvre? T’as trop bu, Mike.

-        Non, j’te jure, j’suis certain, c’est moi qui lui avais offert c’tte chèvre…Claudia, j’la connais la Claudia. Allez, encore une “brune”. Après je rentre.

 

L.T./04-06.03

A M.K, mort sur la route de Bamenda, au vrai M.Y.

  

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