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Au gré de la plume
4 novembre 2023

Samedi 4 novembre, Un oeil

Samedi 4 novembre,

Un oeil

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... Il n'a plus qu'un œil, l'autre, y'a longtemps, Juju l'a bouffé, c'était encore à Hanoï.

Ici, chez nous il y a si peu de meubles, d'objets ou de décorations (tableaux, bibelots,...). C'est comme si nous étions en transit.

Un divan kitch à 290.- francs, une table à 100 et quelques que j'ai assemblée moi-même ; en français vulgaire on dirait que nous avons "un goût de chiottes". L'expression est rude ... a taste of crap en anglais ou a shitty test.  

Bien évidement nous gardons précieusement deux trois objets "à valeur sentimentale".

Comment expliquer ce détachement ? Ignorance du beau, ignorance dans ses deux sens ?

En ce qui me concerne, simple, mes multiples déménagements. J'ai tout laissé en partant en Afrique, pareil cinq ans plus tard en filant au Vietnam, et finalement mon divorce a fait le vide.

En juillet 2013 nous avons débarqué en Suisse .... deux grosses valises, deux petites et Juju (+ sa cage).

Dulcinée ? C'est différent, chez elle ce qui prime c'est la "fonctionnalité"  (pour les meubles principalement).
Préserver l'espace, exploiter au mieux la "luminosité naturelle" de l'endroit.
Faciliter le nettoyage et l'entretien.

Elle n'a pas le culte du vieux, peu d'affection pour les "choses anciennes", enfin ici, ailleurs elle respecte l'harmonie d'un lieu, le choix des résidents elle peut le trouver "beau" mais sans l'envier. Ici c'est ici, là-bas, ailleurs c'est ailleurs. 

Je l'écrivais nous gardons - n'est-ce pas universel - de petits "souvenirs" que je qualifierais de "symboliques" ou - même - de l'ordre du fétichisme.

Moi, moi, depuis toûp'tit j'aime les peluches qu'en Suisse nous appelons génériquement "mutzi", des animaux .

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Dans mon enfance ces immobiles composaient un groupe auquel pouvait se joindre une poupée. Une fois j'ai eu un capucin * , 20 centimètres de haut et au moins 15 de tour de taille. Il portait sa bure avec capuchon et le gros cordon blanc.

* Capucin, le religieux pas le singe du même nom.  

Il disait la messe, je lui avais cousu des "habits" du culte et tout le tralalala... en miniature, dans un coin de ma chambre. Mes parents ne s'inquiétaient pas.
J'avais quoi, 8,9 ans ? 10 peut-être.
J'aurais pu-du me faire capucin, comme mon grand-oncle, cinquante ans aux Îles Seychelles ! Mort et enterré sur place.

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... Bon j'ai mal tourné et abandonné cette "vocation" de missionnaire. C'est certainement mieux, qui sait, serais-je aujourd'hui dans la liste des prédateurs poursuivis par l'Eglise et enfin la Justice.

Oui, parce que ça ne s'est pas arrêté là. J'ai eu ou plutôt je me suis acheté une poupée de fille, pas une Barbie c'était pas connu en ces années. Elle n'avait pas les attributs d'une

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fille, pas de petite "fente" ou de timides nénés mais je crois que je voyais cette poupée comme une bonne-amie.  

Voilà qui pourrait confirmer le bien d'avoir abandonné ma vocation religieuse. Mon Dieu, les petites filles l'ont échappé belle (to have a narrow escape, semble-t-il en anglais).
La suite de mon itinéraire sentimental à composantes sexuelles m'a rassuré.

Aujourd'hui je vois les choses autrement. Il m'arrive d'imaginer ma vie en moine silencieux, quelque part loin du "monde"... je l'ai d'ailleurs fait ce "rêve" en 2007 à la fin de mon "Momoh...". *

* Le chapitre est en bas de page.

Bon revenons à mes mutzis. Dulcinée s'en moque gentiment. Et parfois je "crois" qu'elle les crédite d'une possible réelle existence... allant jusqu'à les interpeller comme je le fais moi-même. Elle les prend à partie * quand ils prennent parti * pour moi sans le moindre scrupule.

partie (prendre à partie)

 

L’expression prendre à partie s’applique à des personnes. Prendre quelqu’un à partie signifie « s’en prendre à une personne, surtout verbalement ».

 

  • Il l’a prise à partie en pleine réunion et lui a rappelé sans détour ses nombreuses erreurs.

 

Dans ce sens, il ne faut pas confondre le mot partie avec parti, qu’on retrouve dans les expressions :

 

 

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       Lui c'est "Yankee", bien qu'il soit originaire du Texas (plus probablement d'une usine chinoise). Un de ces gadgets-cadeaux que distribuaient les compagnies pétrolières. Ici c'est ExxonMobil, le géant américain pour lequel Dulcinée a travaillé à Hanoï.

Pour l'hiver je lui taillé un habit chaud et un chapeau (dans une de mes vieilles chaussettes).

Dessous : version commerciale de Monsieur Lepied.

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Dulcinée passant de grands moments... au chaud dans la chambre à coucher, Yankee lui tient compagnie bien installé dans le giron de "Monsieur Lepied" , autre compagnon, lui, Monsieur Lepied don, me sert de soutien-nuque comme ceux qu'on observe au cou de certains voyageurs.

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Monsieur Lepied est une création de Dulcinée. Elle sait combien sont sensibles mes cervicales !

Ridicule tout ça ? Un peu mon n'veu. J'en suis conscient. Pourtant cet infantilisme est aussi ma force. Quand Dulcinée voyage ... pas le moindre sentiment de solitude, des coups de vague à l'âme oui (blues, feeling bleu).

Et puis alors, mon j'veux, je leur accorde à ces mutzis un droit de parole illimité. Ils ne se gênent pas pour me critiquer à haute voix ce qui réjouit Dulcinée. Aucune pitié pour moi ces animaux. En même temps ils m'assurent d'un amour ... illimité.

J'ai longtemps eu des animaux...vivants *, ils jouaient leur rôle, eux aussi critiques, caustiques, francs. Alors ces peluches les remplacent aujourd'hui à moindre frais... sans cependant rien perdre de piquant.

Des amis peu encombrants, si chaleureux.

* Dans un récent billet je racontais l'histoire d'un de mes chiens et la manière que j'avais imaginé pour mettre un terme à sa folie. 

 

Bonne fin de semaine, Folks !

L.T.

Dernier chapitre de mon "Momoh..."

"Post hoc, ergo propter hoc"

 

Les mois qui suivirent, le marchand mit de l’ordre dans ses affaires. Il effectua ensuite quatre voyages successifs à travers les Flandres et un à Aix-la-Chapelle en compagnie d’un commis de Johann qui s’était attaché aux Boogart faute de talent pour ouvrir son propre atelier.

 

A Aix, dans cet humble monastère, ils installèrent une œuvre de Johann, un Saint-François rayonnant de lumière. Comme le marchand en avait fait la promesse autrefois.

 

Usé avant l’age, Momoh van Brugge sentit un profond besoin de disparaître. Il perdit l’usage de son oreille gauche. Comment tomba-t-il dans cette trappe cistercienne ? Les Dunes, une des plus « belles filles  de Cîteaux », une des plus fidèles à l’esprit du re-fondateur. Le vieil itinérant connaissait déjà cette abbaye des Flandres occidentales. Si Saint Bernard la visita en 1139, lui, le voyageur s’y arrêtait parfois, fournissant les moines en essences et en herbes rares, des ingrédients nécessaires à la composition de leurs élixirs

 

L’abbé Holman s’en tenait à la Règle de Saint Benoît « orare et laborare », exigeant rigueur et discipline de sa communauté, moines, convers et salariés. Le pré carré est encore régi par le principe de « la journée de marche ». La matin, après l’office à la chapelle (capelle), le piètre prend son outil à la grange (groote scheure) et part aux champs.

 

Les anciens travaillent à l’atelier de tissage (wewerie) ou à la boulangerie (backerien). Il est permis de parler, le silence reste un choix personnel. Les repas sont copieux, riches en légumes. Les jours de jeûne, les frères cuisiniers ne servent qu’une soupe légère, en soirée, à la fin de la prière. La semaine sainte est la période la plus difficile, les cloîtriersne recevant qu’une cruche d’eau et un quignon de pain.

 

Par contre, pour les fêtes, et surtout à Pâques, l’abbé Holman fait servir un véritable banquet de réjouissance en ouvrant exceptionnellement les portes du réfectoire aux villageois de sexe male d’un large voisinage.   

 

Le prieur Luc, qui seconde l’abbé dans les affaires d’intendance, a confié au frère lai Hjeronimus l’entretien du pigeonnier (duvecot) qui se dresse au coin du potager. L’enceinte du monastère est immense, mille pieds (300 mètres) de large et presque deux mille de longueur. Par principe la communauté y vit en autarcie bien qu’elle soit obligée de recruter des journaliers tant son domaine extra muros est vaste.

 

Aux matines, le chapitre se réunit pour prier Saint Bruno et Saint Norbert. Nul n’est contraint de suivre l’ultime complie et peut librement choisir de méditer en cellule.  

 

La fatigue a rattrapé notre Momoh de Bruges, autrefois elle avait soudain saisi son père. Que reste-t-il de sa famille ? Ses parents ? Maman Berthe a rendu l’âme. Oncle Johann s’approche de la mort avec résignation.

 

Son « fils » Guillaume, qu’il a tant cherché sur le champ de bataille de Lorraine, repose près de l’étang aux canards en compagnie d’Hugo et des chiensAnne aurait perdu la raison, lui a rapporté sa Clairette. Cette gentille sœur règne sur le reste des Boogart.L’atelier de Johann a finalement été transformé en école pour les enfants de la Quitterie, une activité plus chrétienne que la fabrication de culottes. Les orphelins font l’aller-retour matin et soir en chantant des psaumes. Leur présence anime la maisonnée et occupe Hans le Bâlois, résigné à l’idée de finir ses jours à Bruges. Le petit Johann a l’âme d’un contemplatifon l’élève sans faveur ni privilège. Azza l’a adopté et dort sur ses pieds, la nuit, rêvant à sa maîtresse Djamila soudainement disparue. Mariette envoie parfois un message par le courrier des Medici. Momoh se souvient de cette enfant trop mal aimée, qui le boudait à chacun de ses départs et lui sautait au cou à ses retours (accoler). A quoi bon être un père si l’on est toujours absent ? Mariette a épousé un peintre italien et elle vit aujourd’hui à SienneMomoh sait qu’il est grand’père d’un « Francesco » aux cheveux rouges!

 

Daniel est membre de la Guilde de Gand où il a ouvert son atelier.

 

Benjaminus passe souvent à Bruges pour ses affaires.

  

Momoh aime revivre son passémême si les souvenirs s’estompent. Quelquefois des images de son enfance lui reviennent en mémoire. Ce jour si froid , gamin, il tomba dans le canal Peerden, personne ne s’était aperçu de sa disparition. Une voisine cria de sa fenêtre :

 

Momoh est tombé dans le canal !

 

Hugo sauta et sortit du conduit son fils grelottantA la maison Berthe frotta l’enfant avec un baume camphré et le veilla deux nuits. Une autre fois, alors qu’il jouait dehors, un méchant frelon lui piqua le scrotum. Ses parties enflèrent énormément. Le docteur voulait inciser les parties. Berthe refusa préférant se rabattre sur une décoction de camomille certainement moins traumatisante. Et puis très loin, il se revoit partant à la « chasse au lion », traînant une grosse branche morte. Une vieille l’emmenait en forêt pour ramasser du bois mortQui était-elle ? Il cherche mais ne trouve plus. 

 

Ou alors ces orgelets qu’il fallait lui percer de force, Hugo lui tenant les bras tandis que Berthe pressait la bagatelle

 

Et ces nuits sous les étoiles qu’il comptait avec patience ! Toujours avec ses chiens, avec ses mules !

 

Croit-il si fort en Dieu ? 

 

Suivant le discours de ces moines blancs, il refuse l’ordre seigneurial qui pourtant lui accordait autrefois, sans trop de corvée (taxes), le droit de commercer à travers l’Europe et de faire fortune. Il méprise l’orgueil de certains ecclésiastiques qui vivent avec une cour de valets armés et des chevaux de remonte, ou qui s’accoquinent avec des aristocrates allant jusqu’à leur offrir de saintes sépultures (Tombeau du Sénéchal Philippe Pot, en la chapelle Saint Jean Baptiste, au plein cœur de Cîteaux, aujourd’hui au Louvre, Paris).

 

Ses biens il les a abandonnés à sa sœur, lui laissant le soin de partager cette richesse qu'il n’a jamais considérée sienne. Il a vendu le domaine de Saint-Trond et remis son bénéfice à l’échiquier des Dunes. 

  

L’abbé Holman a compris le trouble de frère Momoh :

 

Crois-en mon expérience, tu trouveras quelque chose de plus dans le travail manuel que dans les livres. Bernard n’a jamais eu d’autres maîtres que les hêtres et les rochers. L’esprit inspire le glandeur. Nous avons construit ce monastère à l’écart, dans un « désert », notre quête transcende la réalité, le Ciel ne me grondera pas si je dis que cette recherche est « poétique », tu me comprendras bientôt, mon fils. Bernard nous parle souvent d’ « horribles et vastes solitudes », Alain de Lille n’écrit rien de différent par ailleurs mais il faut les entendre en se souvenant de Moise, de son cantique (Deutéronome, XXXII/10) si bien « éclairci » dans la Vulgate de Saint Jérôme. Jérôme, Hjeronimus n’est-ce pas ton saint patron ? Notre désert, nos solitudes n’ont rien de tristes. 

 

Le dignitaire ne lui a posé aucune question sur sa foi, pas même demandé s’il se confesse régulièrement. 

 

Le silence ne lui pèse plus. Il en a pris l’habitude et en un jour il n’échangera que desmots utiles avec le prieur, le cellérier ou un monial qui s’accommodent de sa progressive surdité. Sait-il prier ? Et pour quoi faire, il n’a plus rien à demander ou à attendre.Remercier ? Que le Très-haut protège cette fille qui a choisi de l’oublier, qu’Il manifeste sa compassion pour ses chers disparus, c’est tout. Seule compte la crainte de Dieu. L’abbé lui a donné à lire les « Moralia in Job » de Saint Jérôme. 

 

Ne perds pas ton temps sur les scripturia de ce manuscrit, l’exemplar nous vient d’Angleterre, concentre toi sur la leçon d’humilité de ton saint patron, qu’y peut-on si nos frères ont cru que des enluminures enrichiraient son témoignage ? 

 

Des moines architectes refaisaient la chapelle et, comme il avait suivi un apprentissage chez de fameux peintres férus de géométrie, ils lui demandèrent de dessiner une verrière . Le prieur lui ouvrit les portes de la bibliothèque. Il trouva les modèles qu’il cherchait dans un ouvrage ancien (Reiner Musterbuch, Abbaye de Rein, Salzburg). Des motifs répétitifs, abstraits témoins de l’unanimitas originelle des cisterciens, cette recherche d’un langage global, sans mots, comparable à ce qu’il avait découvert autrefois dans ces livres que lui avait offerts son ami Ibn Bajjah, ce Maure de Venise, l’homme qui lui sauva la vie six ans plus tôt. Ces travaux sont modestes, rien à voir avec  ce « morbus aedificandi », cette maladie de bâtir qui dérange l’esprit de nombreux abbés pris d’orgueil et oublieux de l’idéal premier de Bernard, « sauveur » de Cîteaux ?  

 

Il accomplit cette tache le cœur joyeux, se souvenant de son oncle Johann, grincheux à ses heures mais si subtil pédagogue, de Jan van Eyck toujours prompt à l’encourager. Il songea à ces deux femmes, les plus aimées, Marguerite van Eyck et sa « sœur » Claire.

 

Le prieur lui permit de revenir consulter de nouveaux documents, lui conseillant au passage le « Petit Exorde » et « la Charte de la Charité », deux ouvrages relatant l’histoire et l’origine du rêve cistercien.

 

Si tu y trouves goût, tu poursuivras avec le « Grand Exorde » et les sermons d’Isaac de l’Etoile. Puissent ces textes t’aider à trouver le repos. Prends ton temps Mon Frère, prends ton temps.  

 

Ses chiens étaient morts, sauf Azza qui ne lui appartenait pas vraiment, certains s’étaient battus pour le défendre. Là il pris l’habitude de parler aux pigeons qui semblent disposés à l’écouter, qui lui répondent peut-être mais il n’entend plus.

 

La vie est une salle d’attente, vous patientez matin et soir, que je vous livre vos grains ou que je soigne une patte ou une aile blessée… moi j’attends la mort en sachant que Là-haut je ne retrouverai aucune de mes mamans, aucune de mes compagnesJe ne suis plupressé.

 

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