Les années se suivent et se ressemblent pour la liberté de la presse. Dans son rapport annuel publié ce mercredi, qui porte sur l'année 2017, Reporters sans frontières (RSF) estime qu'elle s'est encore dégradée dans le monde l'an dernier, suivant la trajectoire de 2016.« La haine du journalisme menace les démocraties », y compris en Europe et aux Etats-Unis, selon l'ONG.

La carte du monde dressée par RSF à partir de son classement mondial de la liberté de la presse s'est une nouvelle fois assombrie : 21 pays sont désormais placés en situation « très grave », un niveau record. L'Irak rejoint cette catégorie, où figurent des régimes autoritaires comme l'Egypte (161e), la Chine (176e) ou la Corée du Nord, toujours en 180e et dernière position.

L'Europe pas épargnée

Mais les discours de haine et les attaques contre la presse ne sont plus l'apanage des Etats autoritaires, confirme ce rapport. Quatre des plus forts reculs enregistrés cette année concernent en effet des pays européens. En premier lieu, on trouve la République tchèque - dont le président Milos Zeman s'est présenté lors d'une conférence de presse avec une kalachnikov factice portant l'inscription « pour les journalistes » -, qui dégringole de 11 places à la 34e.

La Slovaquie est également pointée du doigt, alors que l'ex-Premier ministre Robert Fico a traité les journalistes de « sales prostituées anti-slovaques » et « simples hyènes idiotes ». Le pays est également mis en cause pour l'assassinat  du journaliste Jan Kuciak, qui a entraîné des manifestations monstres  puis la démission de Robert Fico. Enfin, Malte, où la journaliste anticorruption  Daphne Caruana Galizia  a été assassinée, chute de 18 places au 65e rang. La Serbie, elle, en perd 10 (77e).

Les Etats-Unis de Donald Trump, pays du premier amendement qui sacralise la liberté d'expression, perdent deux places au classement. Et tombent au 45e rang.

Haine croissante

« Ce classement traduit un phénomène malheureusement manifeste, la croissance dans bon nombre de démocraties de l'expression de la haine contre les journalistes, et la libération de cette haine est vraiment dangereuse », résume Christophe Deloire, secrétaire général de l'organisation, interrogé par l'AFP.

 

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Un phénomène qui touche selon lui « des démocraties aussi différentes que les Philippines (133e), avec le président Duterte qui prévient qu'être journaliste 'ne préserve pas des assassinats', qu'en Inde (138e) où des armées de trolls à la solde des partis politiques appellent à la haine des journalistes, ou les Etats-Unis, où Donald Trump les qualifie d''ennemis du peuple', une formule prisée par Staline ».

Si la Norvège maintient sa première place au classement, « il y a une inquiétude très forte pour les démocraties européennes », estime Christophe Deloire.

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Craintes pour la France

La France ne fait pas exception. Bien qu'elle progresse de six places, au 33e rang, un mouvement lié principalement au recul de plusieurs pays voisins, RSF y relève que « le 'mediabashing', ou le dénigrement systématique de la profession par certains leaders politiques, a connu son paroxysme pendant la campagne électorale de 2017 ».

« Certains responsables continuent d'utiliser cette rhétorique pour attaquer les journalistes quand ils sont mis en difficulté », à l'instar du leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a écrit récemment que « la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine ».

Pour RSF, ce climat délétère envers la presse sape l'un des fondements essentiels des démocraties. « Ceux qui récusent la légitimité des journalistes jouent avec un feu politique extrêmement dangereux. Les démocraties ne meurent pas que par des coups d'Etat mais elles peuvent mourir aussi à petit feu, et l'une des premières bûches c'est généralement la haine envers les journalistes », prévient Christophe Deloire.

Source AFP