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Au gré de la plume
24 septembre 2017

Un petit épicier... - 17

 

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L.T.

P.S.1.: Ce matin en vaquant à mes affaires sans importance je pensais au regard porté sur les "épiciers", ces petits commerçants de proximité qui vendent un peu de tout, des épices et, lis-je, des aliments "appertisés". Bien naturellement je me suis demandé ce que signifiait ce mot :"appertisés" *. Dans l'esprit des personnes de plus de...., disons quarante ans, un épicier est un "petit". Je me sens petit, sans cependant que ce "petit" me semble "misérable".

Dulcinée a soudainement précipité notre projet de voyage/séjour à Hanoi après que j'eusse choisi de ne pas (plus) "résister". Départ = préparatifs et tout au bout: valises ! En presque un an Grand-mère a accumulé une quantité d'achats vestimentaires pour son "petit". Au gré des "actions spéciales", des soldes et des "destockages" . L'art étant de se faire une idée de la croissance du gamin, mois passant. Et en plus elle (nous !) emportera une masse de cadeaux pour les uns et les autres.

Séance de peinturlurage des panneaux anti-vent que nous allons bientôt réinstaller sur le balcon. Suivra le "retour des plantes" et leur habillage de protection contre le froid. 

....

* Appertiser: La stérilisation est une technique destinée à détruire tout germe microbien par exemple d'une préparation (souvent alimentaire). La première technique a consisté à porter cette préparation à haute température, c'est-à-dire de 100 à 180 °C. Elle a été inventée par Nicolas Appert, à la fin du xviiie siècle (appertisation) . Cet autodidacte a inventé le procédé à l’origine des conserves et des plats cuisinés et créé à Massy la première conserverie. L'explication scientifique a été fournie, soixante ans après, par Louis Pasteur au xixe siècle.

 

P.S.2.: Une vieille nouvelle... Il y a deux trois bulles dans la mise en page, m'enfin....

 

           Freddy, Loucas, le Chat Martin et Mlle  Minh

  

C’était un ventilateur monté sur un tronc assez court avec dans son centre une lampe recouverte d’un boîtier de plastique rouge. Il avait pris l’habitude de sursauter au gré des tensions électriques, en hoquetant d’une manière répétitive.

Pourquoi y tenait-elle tant à ce vieux truc chinois ?

Normalement il ne faisait rien le Dimanche afin de rester disponible, attentif à ses autres. Loucas vérifia la grosse et vieille enveloppe à capitons plastifiés récupérée chez DHL. Tout y était : son certificat de sécurité sociale, son passeport, ses deux cartes de crédit, son carnet de compte bancaire, son permis international périmé, son permis national de moto et auto, son attestation de vaccinations (elles aussi “périmées” mais au moins on pouvait y trouver son groupe sanguin), un peu d’argent du monde entier, en monnaie et coupures, quelques photos.

Ensuite il fit l’inventaire de son modeste sac de voyage: sa trousse de premiers secours, son carnet d’adresse, son couteau suisse, ses lunettes de rechange, ses boules Quies, sa réserve de Boyard papier-maïs (trois paquets), ses stylos, un bleu et un noir, un feutre jaune, des enveloppes, un carnet de notes…vierge et une enveloppe scellée avec écrit dessus: “en cas de décès ou d’accident grave”.

Par précaution il passa en revue la trouse à médicaments : gouttes nasales contenant un stéroïde, deux antibiotiques...néomycine et polymycine, un désinffectant et un décongestionnant, du primperan, du sorbitol, un antibiotique puissant en cas de sinusite aiguë ou d’infection des méninges, un autre antibiotique passe-partout  (thyophenicol), des gouttes pour les oreilles car il était obsédé par la crainte d’une douloureuse otite, des pansements spéciaux pour durillons, des anti-inflammatoires, des stéroïdes haut-dosage, des crèmes pour calmer les piqures de moustiques, des autres pommades pour toutes sortes d’irritations ou d’allergies, un somnifère à courte demi-vie, des aspirines, du paracétamol, un anti-allergique bien connu à action centrale, un hypertenseur, des “Nautamine” pour le mal des voyages, un onguent pour calmer les hémorroïdes, de l’”Immodium” contre la diarrhée et enfin de l’huile “miracle” à base de camphre.

Il glissa l’enveloppe capitonnée, le sac de voyage et la trousse à médicaments dans une grosse banane en tissu “jean’s” qui se porte à l’épaule, genre marin en goguette.

Six paires de chaussettes, six slips, trois chemises à carreaux, style “paysan”, trois T-shirts noirs à manches courtes, deux pantalons de toile et un pull de laine.

Sa brosse à dent, un savon, un grand linge, trois rasoirs à jeter, un tube de Fluocaril, des cornets en plastique et une casquette de sport.

 

Il enfila une grosse veste matelassée, se retourna une dernière fois, pensa-t-il, et ferma la porte à clef.

 

Freddy avait été Premier Attaché et ensuite Consul de Suisse à Milan, Alger, Yaoundé, Sao Paulo, Toronto et finalement: Harare. Une belle carrière avec des entre-deux à Berne, capitale fédérale de l’Helvétie. Il avait appris à jouer au golf aux pieds du Mont-Fébé et tirait à l’arc de temps à autre. Il aimait cette arme légère et sophistiquée, le geste de pincer-arracher-jeter, si noble, un oeil clos, le torse en oblique ouverte. Il comprenait que des amazones aient pu, autrefois, accepter de se couper un sein pour mieux tirer. Tendre !  

Il passait ses vacances en dessus de Montreux dans un chalet, héritage familial. Sa femme portait les cheveux courts et le mollet solide. Elle avait l’habitude de tester la fermeté de ses seins quinquagénaires en glissant un crayon sous le plis inférieur de chacune des mammelles. Serrant la mâchoire et travaillant  les muscles de son cou (sterno-cléïdo-mastoïdien), elle faisait remonter alors sa poitrine et les deux Caran d’Ache Numéro 1 tombaient sur le carreau de faïence vernissé, mines brisées.

-          Ah! tu vois Freddy…encore pas mal ta vieille!

Elle sortait enfin de la salle de bain, sure d’elle, ne portant qu’un petit string à dentelles noires.

Ils reçurent une terrible nouvelle: leur belle-soeur s’était pendue. Freddy compatit.  En fait cette pauvre femme avait épousé le frère cadet de son épouse, il ne la connaissait que très peu. Freddy savait compatir.

Le diplomate avait une grande fille qui fit des études de droits et épousa un canadien de bonne famille ontarienne.

Après l’enterrement de la belle-soeur ils passèrent encore quelques jours au chalet. A l’annonce de sa venue en Suisse, le Département fédéral des Affaires Etrangères, son ministère de tutelle, lui demanda de faire un saut à Berne.

 

Le “patron” de Freddy ne savait trop quoi dire.

-          Enfin, Schwarzenegger, il vous reste encore une grosse dizaine d’années jusqu’à la retraite. Vous a-t-on fait une proposition dans le “privé”? Vous savez, vous aviez toutes les chances de finir ambassadeur.

-          Non, Monsieur le Directeur, non…le privé ne m’intéresse pas

-          Vous n’êtes pas malade? Souhaitez-vous un congé? Ce n’est quand même pas la mort de votre belle-soeur, une déprime? Non, je ne vois pas, Schwartzenegger, aidez-moi à comprendre!

 

 

Mlle Minh était née à Kun Ming dans le Yun Nan mais son père fut affecté brusquement à Canton. La famille s’y installa donc en 1981. La jeune fille suivit une école de langues très cotée et elle en sortit fièrement diplômée, cinq ans plus tard.

A part les langues, l’anglais, le russe, le japonais, le français, l’espagnol et parfois l’italien les étudiants n’apprenaient rien d’autre et surtout pas l’histoire ou

 

l’art du pays d’origine de l’idiome choisi. Ils tentaient simplement d’assimiler le parlé et l’écrit. Un professeur se risquait occasionnellement à la traduction d’une chanson des Beatles ou de Piaf, en fin d’année, passée la période des examens.  Les versions se faisaient sur des auteurs “grata” tels que Tolstoï, Zola, Shakespeare, Kawabata ou Cervantes. Quelques élèves audacieux proposèrent un Saint-Ex ou un Paul Auster, personne n’articula les noms de Soljenitsyne, D.H.Lawrence, Mishima, Cohen ou Blasco Ibanez.

Ces volées d’étudiants débarquèrent à point sur un marché du travail en ébullition. Les compagnies étrangères tentaient désespérément de recruter au moins une ou deux personnes leur permettant de communiquer avec les autorités et d’éventuels partenaires ou clients locaux. Et puis on les voulait jeunes, pas encore perturbées par la doctrine officielle ou le dilettantisme étatique.

De préférence des femmes ouvertes d’esprit, vierges de loyauté.

C’est ainsi que Mlle Minh fut engagée par une firme italienne spécialisée dans le commerce de la soie. Un bel italien la séduisit en un rien de temps et en fit sa maîtresse. L’affaire demeura secrète. Lui était resté célibataire ne tenant pas à se lier définitivement. Sa famille vivait près de Sienne en Toscane, il habitait chez sa mère. Mlle Minh pensait qu’il s’attacherait et qu’un jour ou l’autre elle quitterait la Chine pour le suivre en Italie.

 

Trois ans plus tard, fatiguée d’espérer, elle changea de travail et se maria avec un chinois originaire, comme elle, du Yun Nan, un sociologue qui ne gagnait presque rien mais qui connaissait tout le “monde” à Canton. Elle lui raconta son aventure passée et ce jeune sage accepta gentiment la déflorée. Probablement parce qu’il avait lui aussi une sorte de secret : il bandait peu et assez mal.

Si mal qu’au matin de leur nuit de noce elle pleura se sentant frustrée et “trompée”.  Avec le temps il réussit malgré tout à lui faire un enfant.

Elle compensa cette désillusion en s’immergeant corps et âme dans son travail. Sa compagnie l’envoya en Europe pour un training, puis un autre, pour une mission, pour accompagner une délégation.

Son italien se manifesta soudainement et ils se retrouvèrent entre Londres et Sienne. Comme beaucoup de chinoises “Mlle Minh” n’avait pas beaucoup de poitrine et un cul qui ne rebondit pas. Le toscan lui offrit de beaux dessous qu’elle portait avec classe, le soir dans leur chambre d’hôtel. Ce qu’elle aimait dans l’amour c’était justement le détail, la classe, le beau, le confort, la fraîcheur du lit et le petit-déjeuner qu’on fait monter. Elle se sentait aussi fière de provoquer le désir de son amant qu’elle caressait avec tendresse et patience. Elle ne lui en voulait pas. Lui? Il revoyait toujours la nymphe d’autrefois, oubliant qu’elle avait passé son Master et qu’elle était devenue une patronne à Canton. Sa compagnie, épuisée par un système marxiste obsolète, se reposait entièrement sur elle.        

L’européen la regardait presque d’une manière obscène sans s’en rendre compte, comme une Lolita, bien qu’elle ait passé la trentaine maintenant. Il lui proposa plusieurs fois de l’épouser lors d’autres rencontres fortuites à Hongkong, Calgary ou Paris.

Elle savait que jamais son mari ne la laisserait emmener leur fille et qu’elle ne pourrait accepter une séparation.

D’autres annnées passèrent. Elle tomba même enceinte et se fit avorter après un long mois d’anxieuses hésitations. Un moment, un instant, elle imagina garder l’enfant. Son mari  pensait en être le père. L’aveu fut douloureux mais encore une fois le sociologue se montra généreux et cynique: il pardonna.

Quelques semaines plus tard elle rejoignit son amant à Singapour. Il n’avait fait le voyage que pour deux jours et deux nuits d’amour. Elle saignait un peu et dit que c’était ses règles. Il y retrouva le charme de l’antique défloraison. Lui.

Le chat gris et fin longeait le mur de la vaste propriété des Commys dans la banlieue ouest d’Harrisburg. Le félin ignorait encore qu’il s’appellerait “Martin”. Jusqu’ici on l’apostrophait d’un “Luther” plus ou moins affectueux. Ses maîtres, enfin, là où il logeait, lui préparaient chaque jour son assiette de “Delicatessen”.

Un jour on lui tomba sur le poil et on l’enferma dans une cage sombre en osier. Quand la porte s’ouvrit une charmante blonde en blouse blanche à large decolleté le saisit par la nuque et l’immobilisa sur une table d’aluminium. On lui injecta un ou deux produits avant de le ramener “chez lui”.

Luther, en ce temps-là, était un beau mâle au pelage soyeux et lisse. Le soir il partait en quête de souris ou d’aventures pour ne rentrer que le matin, crotté et mort de fatigue. En hiver une voix criait “Luther, Luther” lui proposant de venir se mettre au chaud. Mais il avait pris l’habitude de se faufiler dans un espace sous le toit pas trop loin d’où montait la cheminée. Quand il lui arrivait d’être malade il acceptait malgré tout de gîter à l’intérieur, dormant sur un envahissant fauteuil de cuir noir, tolérant quelques caresses de la vieille dame. Mais “l’autre” avait la détestable habitude de sucer un faisceau compressé d’herbes nauséabondes et fumantes. Dans un grand moment de faiblesse morale il se glissait sur les genoux de la vieille schnoque et ronronnait en bavant.

Mme Commys était une authentique démocrate et respectait, malgré une certaine frustration, l’attitude franchement hautaine et distante du minou. Elle n’entreprit jamais de le civiliser. Mais elle se faisait du souci pour lui, spécialement en période d’amour. Elle tentait de le coincer au matin pour soigner une blessure de combat.

Elle n’en avait jamais fait autant pour son mari. Cet homme-la s’asseyait devant sa télévision et passait des heures à regarder le baseball, sifflant des bouteilles de limonade gazeuse. Il avait de frêles jambes trop courtes et un ventre immense. Le couple faisait chambre-à-part car elle ne supportait plus ses ronflements. Autrefois il avait été un journaliste consciencieux et honnête à la radio du coin, spécialisé dans la politique nationale et les “affaires”. Il se prit de passion durant plusieurs années pour les étrusques ce qui les ramena souvent en Italie, là même où cette antique civilisation connut sa gloire, en Ombrie et dans le Nord-Latium. Ils visitèrent Tarquinia bien sûr mais aussi Cerveteri, Marzabotto, la chimère d’Arezzo. Et comment Sextus Tarquinius viola Lucrèce, épouse de Tarquin Collatinus, comment Brutus..déjà?…dirigea une sanglante révolte et comment fut fondée la Res publica en 509 avant J.-C. !

Mme Commys se demandait parfois pourquoi son mari s’intéressait tellement à ces espèces d’albanais qui enlevaient les filles de leurs voisins et suçaient les mamelles des louves. Mais elle aimait cette Italie frondeuse, l’odeur des oliviers, le profil des Appenins et la cuisine parfumée du pays.

Maintenant ils traversaient moins souvent l’Atlantique, l’âge.

                                                          

-          Freddy ?

-          C’est mieux comme ça…écoute on me force à rentrer à Berne, qui puis-je?

-          Alors je retourne avec toi pour le déménagement. Les boys vont tout casser….et nous voler.

-          Non….pas question, Diane va accoucher…, donc tu files à Toronto, tu t’installes chez eux et tu aides ta fille, c’est son premier enfant, tu dois être présente!

Difficile de rejeter un pareil argument, se dit Freddy, assez fier de ses mensonges. Son épouse se plia docilement à ses “ordres” et fit ses valises. Enfin!

 

De retour en Afrique il organisa aussi vite qu’il le put la mise en container de leurs affaires. En fait les meubles appartenaient au Consulat ce qui réduisait heureusement le volume à empaqueter.

Il informa ses collaborateurs de l’arrivée imminente de son successeur. Le consul éluda les questions sur son avenir personnel. Une nuit lui suffit pour rédiger un long rapport à l’intention du prochain diplomate. Les marches à suivre, les dossiers en cours, l’état de la coopération. De toute façon les classeurs étaient pleins de résumés, de réunions et de projets. Et puis il se débrouillerait et pourrait toujours expliquer que ce n’est pas de sa faute, qu’il n’était pas au courant, en Afrique toutes les mauvaises situations se récupèrent. Et le Zimbabwe n’était pas classé “zone stratégique”.

Il rendit une dernière visite à son ami de Nairobi, Hans Kessler, un courtier en assurance. Celui-ci tenta de le raisonner une dernière fois.

-          Ecoute ce n’est pas à cause de tes contrats d’assurance, je te parle en ami, c’est le Rubicon que tu franchis!

-          Alea ejaculata est. Bon on fait un saut chez Clémentine?

-          C’est moi qui offre, conclut Hans Kessler ne sachant plus qu’ajouter d’autre pour tenter de décourager son compère. Juste une chose : tout sera sur ton compte à Zürich, lundi matin.

Mandarine leur présenta deux nouvelles “bien fraîches”:

-          Des petites Mijikanda, je les ai fait recoudre parce que leurs pères ou leurs oncles les avaient un peu essayées mais elles sont propres, regarde, mon patron Freddy, le labo me coûte trop cher, ce matin-même 

les résultats sont aussi nets que ces demoiselles. Mettez vos bottines, mes Beaux Princes!

 

Ils filèrent ensuite dans un petit resto pour manger un porc-épic bien faisandé , arrosé d’une bière brune mêlée de sang de buffle.

-          Tu vas t’ennuyer de l’Afrique.

-          Ouaie.

Ils arrivèrent à l’heure à l’aéroport. Kessler embrassa Freddy. Ils étaient ivres et pleuraient. La nuit leur parut froide.

 

Le SR 871 se posa à Kloten avec vingt minutes d’avance.

Un taxi le conduisit à l’hôtel “Au Lac”. Le réceptionniste hésita quelques instants devant ce client mal rasé et puant l’alcool. Mais à la vue du passeport diplomatique, un vrai-faux que Scharzenegger avait piqué au département, quelques années auparavant, l’employé retrouva son professionnalisme d’hôtelier.

-          Herr Von Erlach…de la famille Von Erlach ?

-          Vous le dites.

-          Nous sommes flattés, Mister Von Erlach, c’est toujours un honneur pour nous, ici à Zürich, de recevoir un représentant d’une des plus valeureuses familles bernoises.

-          La plus valeureuse !

-          Oui Monsieur Erlach, heu Von Erlach, la plus valeureuse.

-          Et je rentre de bataille, du Honduras où on a failli avoir ma peau, alors vite ma clef.

Il n’avait emporté qu’une jolie valise LVH. Freddy se doucha, se changea  et descendit à la salle à la manger. Il avait l’air d’un gentleman farmer avec son veston de tweed aux coudes renforcés de cuir, un pull à col roulé gris-beige et son pantalon preféré en velours cotelé.

Le golf lui manquerait. Il parcourut la Neue Zürcher Zeitung, un oeil sur la bourse et l’autre sur les résultats du dernier parcours de Tiger Woods à l’Open d’Atlanta.

Il se mit ensuite en quête d’un cybercafé.

“a Mike Jordan . Merci de transmettre  ce message à ta chère belle-mère.

Chère Mimi! Voila. Je t’ai menti comme un salopard, on ne me rappelle pas à Berne, j’ai démissionné, fini, putzé. Je pars à travers le monde, tout seul, pour quelques temps. Inutile de chercher à comprendre, je ne sais pas moi-même ce qui me pousse à tout plaquer. Maître Kalbfuss est au courant et il a reçu les instructions nécessaires. Le compte en banque est assez bien garni car j’ai pu obtenir le payement de mon fonds de pension, je te le laisse ainsi qu’un paquet d’actions Logitec…en hausse….52.43, + 22 centimes! Tu auras de quoi tenir mais il faudra, malgré ces quelques coussins, que tu penses à re-travailler (?) ou que tu réduises ton train de vie. Je regrette de ne pas pouvoir connaître…pour l’instant… mon futur petit-fils..qui sait… passerai-je un jour ou l’autre par Toronto.

 

Si tu décides de divorcer, j’ai signé en blanc chez Kalbfuss, il pourra agir par procuration. Allez Bon Vent, Mémère! Soigne tes Caran d’Ache!                                    Freddy

P.S. : je ne veux pas être plus méchant que nécessaire mais maintenant il faut que tu saches : tu es une emmerdeuse!   Bise à notre petite Petch! “

  

Loucas marcha jusqu’à la gare centrale et prit le premier train en direction de Paris. N’ayant évidemment fait aucune réservation il fut forcé de rester debout dans le couloir.

Le voyage lui donna le temps de rêver et de se retrouver quelques années en arrière. Son médecin lui avait prescrit une dizaine de séances de physiothérapie espérant qu’elles soulageraient ses cervicales.

La kiné l’invita à s’allonger à plat-ventre sur la table de massage. Ensuite elle l’installa sur une chaise articulée comme on en trouve chez les dentistes.

-          Koré, murmura Loucas.

-          Qu’est-ce que vous racontez ?

-          Vous ressemblez à Koré d’Euthydikos, enfin je ne sais pas qu’elle était la couleur de sa chevelure. Peut-être aussi sombre que la vôtre ?

Elle se pencha pour travailler ses sterno-cléïdo-mastoïdiens sur le devant et les trapèzes à l’arrière, au ras de la nuque.

Il découvrit son soutien-gorge crème-cassé , un léger filet qui enrobait ses seins plus qu’il ne les soutenait. Elle resserra le col de sa blouse.

-          Tchit, tchit ! Ca ne fait partie du traitement!

-          J’en suis pas si sûr !

 

A la dixième séance elle accepta de boire un café au tea-room d’en face. A la vingtième il l’emmena dans un petit motel de Confignon.

Et pourtant ce n’était pas son genre, sa manière d’agir. A elle, a lui?

-          Alors je ressemble toujours à cette Koré ?

-          Non, toute nue vous êtes Justine d’Alexandrie. Remarquez, on ne quitte pas vraiment la Grèce, Alexandrie fut surtout une ville grecque jusqu’à ce que Nasser y foute la merde.

Ils eurent une liaison discrète et passagère mais l’amour n’était en somme qu’un justificatif. Elle avait besoin d’être admirée et caressée. Et lui ne savait pas si ses mains couraient sur ce corps svelte et magnifique, sur la statue Koré ou sur la peau mâtinée de Justine d’Alexandrie.

L’étreinte ne servait que de conclusion. Un point à la ligne.

-          Tu sais je suis fiancée, hum! un médecin, Laurent Durel, son père est chirurgien à Vevey.

-          Moi, je vis avec une femme divorcée, depuis quatre ans...enfin ça fait quatre ans qu’on est ensemble. Elle a une fille, elle est comptable dans une gérance d’immeubles.

 

Loucas avait suivi une formation de tailleur-coupeur, à l’ancienne, chez un couturier de Londres. Il avait gardé l’habitude de s’asseoir, jambes repliées, le derrière sur les talons. Elle l’écoutait, dépouillée, sur le lit, puis posait des questions.

-          Alors tu fais les dessins, les croquis? C’est toi qui inventes ?

-          Oui et non, mon patron me donne ses idées, c’est lui qui achète les tissus, je fouille les magazines, je cherche à saisir les tendances et puis je lui propose  mes esquisses. En général il me laisse faire parce que c’est un con..

-          Et après ?

-          On coupe un premier modèle, on l’essaie, on le retouche et c’est le début d’une Collection….deux par année, tu sais on fait du prèt-à-porter, c’est pas du Saint-Laurent.

-          Alors c’est toi qui tournes autour des mannequins ? Hum ? pas mal!

-          C’est vrai, parfois elles sont belles, académiques, mais je ne vois que la robe, la blouse, la jupe, une courbure, une allure, tu sais je n’ai jamais eu d’aventure avec une de ces filles.

-          C’est comme avec moi, tu caresses Koré et tu baises Justine!

-          Je me demande si Justine avait une verrue….sur…

-          Arrête, j’étais certaine que tu ferais un commentaire. Vous êtes tous les mêmes! 

 

“Justine” etait née Christiane Froment-Fraine. Une famille du Jura neuchâtelois d’origine huguenote et propriétaire d‘une fabrique de montres “haut de game”.

Le grand-père de Loucas cultivait la vigne sur les Côteaux du Vully. Son père s’etait engagé dans la Légion étrangère et n’était jamais revenu au pays.

                                                          

Pourquoi Mlle Minh choisit-elle de ne pas rentrer en Chine? Elle crut les promesses de son transalpin et espérait, qu’un jour proche, son mari laisserait leur fille la rejoindre afin qu’elle puisse l’inscrire dans une meilleure école en Occident. Elle avait bien sûr retourné mille fois les bons et les mauvais  arguments. Enfin ceux qu’elle imaginait bons ou mauvais.

Son mari vit les choses d’une manière plus confucéenne et garda l’enfant. Mlle Minh pleura longtemps et souvent. Le riche italien l’emmenait partout à travers le monde, sauf en Chine. Il lui procura un passeport canadien.

Un an plus tard elle l’abandonna sans un mot et presque démunie. Une famille chinoise du Yun Nan lui offrit un travail dans un restaurant de Vancouver. Par une filière mystérieuse elle reçut  des nouvelles de sa fille qui allait sur ses douze ans. Quelques semaines plus tard des photos suivirent et puis plus rien. Le cadet de cette famille chinoise tomba amoureux de la caissière et lui offrit de se rendre à Canton pour le Nouvel An Lunaire. Il essayerait de rencontrer la petite et tenterait de s’informer à son sujet. Il devait y aller de toute façon. 

Luther suivit la préparation des valises. Mrs.Commys rangeait avec méthode et soin. D’abord les chaussettes dans un cornet en plastique, les chemises repassées, les pantalons, une veste imperméable, des baskets neuves et la trousse de toilette.

Son mari revoyait une fois de plus l’itinéraire au départ de Pise où il louerait une voiture. Il vida le reste de la bouteille de limonade et rota.

 

-          Le Q, le H, le X et le F de notre alphabet ! Titire tu recubans patulae,  ha! Virgile! Vous leur devez tout!

-          Mrs.O’Hara a promis de venir nourrir le chat.

 

Le lendemain Luther leur dit au revoir, assis comme un vrai minet, à la porte du jardin, se retourna ensuite sans suivre des yeux le taxi jaune conduit par un chauffeur noir. Il fit un tour de propriétaire, calmement, la queue raide, dressée vers le ciel. Voyons!

Les jours suivants Mrs.O’Hara ne s’inquiéta pas car le lait upérisé et les Friskies disparaissaient entre le soir et le matin. Le chat devait se cacher dans un de ses coins favoris. En réalité l’écureuil Obby du Chêne avait vu Luther s’en aller sur la route, c’est lui qui venait se régaler chaque nuit aux frais des Commys. Le hérisson Chesapeake préférait le lait crémeux de Madame Commys.

 

Ca lui avait pris comme ça, sans savoir, sans réfléchir, une envie de se mettre en piste. Il avait retenu deux leçons essentielles à sa survie: éviter tout engin mécanique bruillant, une voiture, une moto ou une tondeuse gazon et ne jamais avoir l’air d’être un chat de passage. Aussi lorsqu’il croisait quelqu’un, une vieille femme surtout, il s’asseyait avec un air de réfléchir à une chose importante. Les gens passaient, persuadés que Luther était un chat du quartier. 

                                                           

Mlle Minh ne pouvait plus respirer. Marcus, le cadet de la famille Chin, était rentré de Canton avec l’horrible nouvelle. La fille de Mlle Minh était morte renversée par un camion militaire en sortant de l’école. La vieille Madame Chin tenta de la consoler.

 

Après six mois de bourlingue à travers le sud de la France, l’Italie et l’Espagne, Loucas s’offrit un billet d’avion pour Montréal. Il se rasa avant l’atterrissage vaguement degoûté par son nez truffé de vilains trous noirs.

-          Mais comment ont-elles accepté de coucher avec un mec aussi répugnant?

Il retrouva le visage de la petite Cerise, une fille d’Appenzell et se souvint de son stupide accident avec sa Fiat rouge coupée, son premier jour à Genève. Le verre avait déchiré le front un peu partout. Elle sortait d’une longue liaison, un gynéco

 

réputé de Zürich, marié et père de famille. Loucas prit son temps et la civilisa, la trouva belle, malgré ses cicatrices.

 

Giani Esposito et Sardou lui donnèrent un coup de main. Combien d’heures à ne rien faire que passer et repasser la “Maladie d’Amour” ou “lalilali la liberté…nous avions faim et soif, ils ont tiré en l’air pour nous intim intim intimider …bou …bou …bou…bou”.

Puis ce fut le tour du “Métèque…”, l’homme d’Alexandrie.

Il lui passa un bouquin de Vasconcelos : “Mon Bel Oranger”. Elle acheta un kumquat. Loucas lui tailla une belle robe sombre à dentelles, avec un col romain.

Le corsage faisait croire qu’elle avait une bonne grosse paire de nénés mais en réalité ce n’était qu’un rembourrage. Elle sourit tendrement. 14 x T+C.

Un soir elle l’accompagna, il devait visiter une grande villa qu’un groupe hétérogène d’écolo-contestataires se partageait en co-location. Il avait envisagé de se joindre à ces hippies, ceux-ci cherchaient des partenaires afin de réduire leurs cotes  mensuelles.

Il l’a cueillie à la porte du labo où elle travaillait. Cerise se tenait en bas des escaliers dans sa robe d’un noir éclatant.

On leur montra la maison en expliquant les règles de vie communautaire, peu contraignantes. Les WC étaient pleins de pampers usagés et ça puait la merde.

Au retour ils traversèrent Puplinge à peine endormi.

-          Arrête-toi près du café, on mange un morceau ?

Loucas pensa à Cohen et à sa “Belle”. A la fermeture du bistrot ils s’installèrent dans la voiture et s’embrassèrent.

-          J’ai rien d’autre que ta robe!

 

En fin d’après-midi, quelques semaines plus tard, alors qu’ils venaient de faire l’amour, il se souleva d’elle, la regarda et lui annonça qu’il s’en allait.

Un an plus tard il l’aperçut qui s’enfuyait au coin d’une ruelle. Lui fumait une Boyard dans sa voiture. Elle ne le vit pas. Un ami lui dit qu’elle avait fait une vilaine dépression et s’était mise avec un français divorcé et père de deux adolescents. Elle habite toujours au même endroit, près de la douane de Moillesulaz, pensa Lucas en tendant son passeport à l’officier d’immigration.

-          Séjour touristique ? Votre billet de retour s’il vous plait. Descendez à quel hôtel ?

-          Je prends le Greyhound at 4 pm,  pour Rochester.

 

Freddy finit sa partie de golf et rejoignit Socrate Alaster au Club House de Coeur d’Alène à moins de cent kilomètres de la frontière canadienne. Voilà quinze jours qu’il trainait ainsi dans l’Idaho. En quittant Zürich l’ex-consul n’avait aucun itinéraire en tête, rien que son carnet UBS avec en haut de la première page: trois cent mille dollars. Depuis il soustrayait chaque matin en posant sa pêche, souriant d’une dépense oubliée….ha vilain garçon, celle-là tu ne voulais pas la prendre en compte. 

Six mois entre Bangkok et Phuket, le long de la côte andamane, le déserteur s’envoyait des putes et mangeait des fruits de mer, sans se laver les mains. Le soir il regardait le sport à la télévision. Le matin il nageait. Ensuite il trouvait un golf et tapait des balles en attendant qu’un partenaire se présente.

Il traversa le Pacifique jusqu’à Seattle, loua une grosse Chevy blanche  décapotable, remonta la nationale 90.

 

-          Socrate Alaster, banquier, Chesterton Corporation…, L.A.

-          Frédérik Von Erlach, diplomate suisse…enfin …en vacances, à la retraite…  

-          Neuf trous ? votre handicap ?

 

Mlle Minh sut résister à la poudre blanche que sniffaient, entre deux passes, ses copines de bordel. Mais elle succomba à l’alcool, enfin pas complètement, elle buvait sec, de larges demi-verres de bourbon. La descente s’était opérée  gentiment  “grâce” à une amie de Madame Chin qui lui proposa un job d’hôtesse dans un bar sombre du Quartier Phu To que les anglo-canadiens appellent  encore pudiquement: Square McKenzie.

Elle voulait se punir, elle pensait ainsi payer pour la mort de sa fille. Pas une seconde elle ne s’imagina rentrer en Chine, malgré cet immense désir de prier tout près de son enfant. Son mari avait dû la brûler et conserver les cendres dans une jarre en attendant de la ramener dans leur Yun Nan. La petite n’y était jamais allée dans cette province mais c’était là où se trouvait le village de ses ancêtres.

Mlle Minh,elle, brûlait des tiges d’encens à la pagode Yong Thien, construite et financée par la communauté urbaine de Chinatown.

Le dancing-bordel de Phu To appartenait à la triade “17”. Le gang des “Princes Sanglants” manipulait tout un business plus ou moins officiel. C’est une de leurs sociétés d’”Escort and RR”* qui obtint l’organisation du Congrès Fortuna et de ses séquences récréatives et satellites. La réunion se tiendrait à Deer Lodge dans le Montana, en fin de  semaine, et rassemblerait une centaine de banquiers de la Côte Ouest.

Mlle Minh fut une des douzes asiatiques sélectionnées pour la manifestation. Leur rôle serait de chaperonner ces messieurs en fin de journée ou selon affinité(s). Le reste du cheptel se composait d’une vingtaine de hongroises, de russes et d’africaines, plus une poignée de travestis urugayens. 

Loucas se trompa de bus et finit à New York. On lui conseilla une correspondance pour Pittsburg. Il descendit épuisé à Harrisburg.

-          Une douche et un lit! 

* Rest and Recreation

 

C’était un motel pour après-midi clandestins mais les draps semblaient propres. Luther sauta sur le bord de la fenêtre que la femme de ménage avait dû oublier de fermer ou alors la chambre sentait encore trop le rut.

Quand il s’éveilla Luther reconnut une présence humaine. Normalement il ne dormait jamais si profondément  mais après une semaine à tourner en rond dans cette banlieue pourrie, à manger de vieux restes, son corps et son moral s’étaient cassés, il était comme mort en s’endormant.

L’homme lui parla poliment, bon signe, et sortit une gourde-thermos de son vieux sac-banane, du lait frais, bon signe, remplit une sous-tasse à café et la posa sur la table de nuit, bon signe.

-          Tiens, tu as une tronche à t’appeler “Martin”…Bonjour Monsieur le Chat Martin! Martin, le chat est toujours un seigneur. (bon signe)

 

L’agence de Coeur d’Alène ne savait pas trop quoi faire de cette grosse Chevy blanche louée à Seattle mais comme ça faisait partie du contrat de location, le malheureux gérant ne put la refuser.

Socrate Alaster attendait Freddy dans sa Buick cabriolet.

-          Ces congrès sont toujours ennuyeux mais ma femme est venue l’an passé avec une amie pour un cours de cuisine libanaise, le golf est magnifique, elle m’avait montré des photos avec son moniteur. Pour les soirées, pas de soucis nos amis du Comité sont les rois du divertissement,  vous verrez…Ils font bien les choses.

-          Je ne voudrais pas…

-          La cage n’est pas réglementaire.

-          Où puis-je en trouver une autre?

C’était un vol en forme de crochet: St-Louis – Salt Lake City et Salt Lake – Héléna. Une sorte de “U”-turn.

Loucas allait enfin réaliser un vieux rêve: marcher sur les pas de Jim Harrison, respirer l’air du Montana, là où un homme murmurait à l’oreille des chevaux.

A l’origine il pensait tout faire en bus mais depuis que ce chat gris avait croisé son chemin et partagé son lit, le tailleur-coupeur avait choisi de ne pas lui imposer ces heures de routes infernales.

Martin lui en fut reconnaissant.

En quittant le terminal d’Héléna, Loucas libéra Martin et sortit son guide bleu de l’Ouest américain.

-          Bon, on peut descendre un bout à pinces, là au contour on devrait trouver une ligne de bus, après on improvisera. Il rangea son guide bleu et sortit son “Routard”. On y conseillait une modeste pension familiale, genre Bed & Breakfast, chien admis…bon, s’ils acceptent les clébards “i” doivent accepter le chats ? 

 

Il faut faire un effort.

-          Elle aime les rösti !

-          Faudrait des Bintje mais au supermarché font pas la différence. C’est déjà bien qu’on trouve encore des patates non-surgelées.

-          Pour le Nouvel-An Lunaire ma mère préparait des gâteaux de riz qu’elle passait à la poëlle et ça faisait une croûte tout autour comme vos …reusseti, glissa Mlle Minh.

-          On peut mettre des oignons ou du lard, ou un oeuf par-dessus, ajouta Loucas.

Il plissa les yeux avec douleurs .

-          C’est encore ta nuque ?

-          C’est toujours ma nuque.

 

Mlle Minh quitta sa chaise et se plaça derrière Loucas, elle commença doucement à lui masser les épaules, pressant ses pouces et ses index en alternant main droite et main gauche.

-          Je me demande si tu n’y prends pas goût, ricana Freddy, bon…je vais faire mon parcours, juste neuf trous ce matin avec un peu de chance Martial Dupré y sera.

 

Le plus étrange dans  cette histoire invraisemblable …

Ils ne s’étaient pas rencontrés dans le Montana bien qu’ils ne furent séparés, à un certain moment, que par moins de dix  kilomètres. Freddy s’était tiré en douce du Deer Lodge abandonnant son compagnon Socrate Alaster sans un “au revoir” et merci. Mlle Minh accepta de le suivre, ne posant aucunes questions. Elle savait que Mme Xuan, patronne du Bordel du Quartier  Phu To (Square Mckenzie), avertirait la Triade 17 et qu’un jour ou l’autre les Princes Sanglants la retrouveraient. Ils la puniraient comme cette pauvre Giang ou alors on lui lancerait du vitriole sur le corps ou pire sur le visage.

-          Qu’importe, pensa-t-elle, et puis cet homme a l’air gentil et bien éduqué.

Freddy lui avait offert de le suivre pour un voyage sans destination. Il avait bonne façon et ne paraissait pas aussi prétentieux et arrogant que ces banquiers de la Côte Ouest, plus poli et plus calme que les clients obèses du Dragon Rouge de Vancouver.

Il l’appelait sans arrêt “Mlle Minh”. Il n’eut jamais ni aucun geste ni aucun mot qui puissent laisser penser qu’il la traitait comme une prostituée. Au contraire, en roulant dans la grosse Chevy blanche qu’il avait voulu recupérer à Coeur d’Alène, il parla du “monde”, des grands présidents, des stars, des sportifs, des chanteurs, jamais de lui.

Jusqu’à oublier qu’il avait serré la main de quelques uns de ces importants messieurs.

 

De son côté Loucas, toujours suivi du Chat Martin, fit un long bout de route, suivant parfois des pistes secondaires. Le plus souvent le Chat Martin s’assoyait pour dire qu’il était épuisé et son “deux-pattes” l’installait alors au sommet de son sac où l’animal tournait deux fois avant de se creuser son “trou” et de s’endormir. L’homme lui parlait sans arrêt, s’excusait parfois de la fumée de  ses cigarettes qu’il roulait maintenant ne trouvant bien évidemment plus de Boyard dans le coin. Parfois une voiture s’arrêtait toute seule et le chauffeur leur proposait un “lift”. Il en profitait pour se renseigner sur Jim Harrison.

-          L’écrivain ? J’sais que sa fille vit du côté de Billings mais Jim ? P’t’être à Lévingston. Pourquoi vous voulez le voir, vous n’êtes pas journaliste, un journaliste ne se balade pas avec un chat sur le dos!?

-          Non, mais j’ai toujours rêvé de rencontrer un écrivain que j’aime, de son vivant, en chair et en os. Quand j’étais jeune j’ai juste manqué Hemingway, enfin à l’époque de toute manière je n’aurais jamais eu l’argent du voyage. Et puis Kérouac, Dos Passos,…en 1970 à Baltimore, j’les ai tous loupés!

-          Et Paul Auster? Vous êtes européen, pourquoi vous visez pas plutôt un européen ça s’rait plus facile, Boyd…Le Carré…ou un gars de New York?

-          Non, j’sais pas, les européens je les ai beaucoup visités dans leur cimetière comme Rilke, Goethe et puis surtout à Paris, là c’est bien concentré, Lachaise, Montmartre, Montparnasse,….mais j’ai toujours préféré les américains malgré leur naïveté.

-          Naïveté ?

Finalement il rencontra Jim Harrison, par hasard, dans un café de Bozeman. Quand il demanda si on savait où habitait l’écrivain, le patron hésita une seconde puis il lui fit signe d’attendre, il allait se renseigner. C’était à cause du chat, autrement il l’aurait envoyé se faire foutre comme tous ces couillons de journaleux.

-          Venez!

Loucas saisit son sac, posa Martin sur son épaule gauche et suivit l’énorme aubergiste qui l’emmena dans une salle, derrière le restaurant.

-          M’sieur Harrison, voilà l’homme qui vous cherche depuis plus d’un mois, de Billings à Missoula.

-          M’sieur Harrison ? Bonjour!

-          Vous n’êtes pas journaliste et pas américain, alors, universitaire ? poète ?

-          Non, j’passais dans le Montana, c’est tout.

Jim parut surpris.

-          Mais vous avez vraiment lu mes bouquins?

-          Ouaie…

-          Alors ?

-          Est-ce que vous pourriez me parler un peu de “Dalva”, je n’arrive pas à imaginer son visage. Vous décrivez bien ses sentiments mais j’ai de la peine à me la représenter physiquement. Elle a du sang shoshone…

Jim le fixa droit dans les yeux. Après quelques secondes il sortit un porte-feuille de la poche de son veston en mouton retourné.

-          Voilà Dalva, pas shoshone…navajo, et il posa une photo sur la table en gardant son index pour bien montrer à Loucas qu’il ne devait pas s’en saisir.

 

-          Merci! Et il se leva, tendit la main au fameux écrivain, je ne veux pas vous ennuyer.

-          Non. Attends, …Mike…sers nous deux Buds. Qu’est-ce que vous faites dans la vie?

-          Baouf! Disons qu’avant j’étais tailleur .

-          Tailleur ? tailleur de pierre?

-          Non, je fais des habits, je faisais… 

Ils restèrent sans rien dire, vingt minutes au moins.

-          Tu serais d’accord de me tailler un gilet de pêche, tu vois, il sortit un crayon et un morceau de papier d’une serviette en cuir fatigué…. voilà…. regarde…j’en ai jamais trouvé une comme je voudrais…avec des poches sur le devant, longues et profondes, là sur le côté….., le col….

-          Hunhum!

-          Mike, le vieux Grangeville est ouvert à c’t’heure?

-          I’ ferme jamais, le youpin.

 

Ils descendirent Three Forks street et tournèrent sur Lincoln Avenue. Le vieux juif les fit entrer et les poussa dans son arrière-boutique.

-          Voyez, ça c’est du matériel, du solide, j’vais chercher du Velcro et des boutons en cuir….des zips?

-          Z’auriez une pièce de cuir, d’la vache ou du daim?..et un peu de lait pour mon chat?

-          J’vois.

 

Loucas prit rapidement quelques mesures à vif sur la taille de Jim, sur sa carrure et la longueur de ses bras, l’un était plus court que l’autre. Il avait gardé l’oeil.

Il coupa l’étoffe d’un geste précis et continu poussant les cisaux sur le gros tissu gris imperméabilisé qui protégeait la vieille table en chêne.

 

-          C’est une Burroughs, la famille de l’écrivain! Bon, je double la maille, avec la feutrine à l’intérieur ça ne sautera jamais, on vous enterrera avec.

La machine se mit à cliqueter rapidement. Quarante cinq minutes plus tard Jim enfilait fièrement sa veste de pêche.

-          Au poil!

Martin se léchait encore les babines. 

- Quel est ton écrivain américain préféré…? à part moi..si j’peux dire comme ça ?

-          J’ai doublé le col et les coudes avec du cuir, elle aura l’air moins neuve. Butler….

-          Robert Olen Butler!

Loucas refusa l’argent que lui offrait Jim. Il prit son chat, son sac, salua le vieux Grangeville, Jim Harrison et s’en alla.                                           

 

Mlle Minh et Freddy  mangeaient une pizza dans un restaurant d’une banlieue de Cleveland. Il pleuvait. La serveuse rappela encore deux fois la station de taxi.

-          Ca risque d’être dur, prévint-elle, un samedi soir et avec l’orage.

Freddy lui tendit un billet de dix dollars.

La fille se posta avec un parapluie à l’entrée du restaurant, hêlant toutes les voitures qui passaient par là. Finalement un gros taxi noir s’arrêta. Il y avait déjà un homme à l’intérieur.

 

-          C’est pas possible un suisse rencontre un suisse dans les faubourgs de “Cleve” à deux pas du lac Erié !

-          Vous voyagez avec votre chat ? demanda Mlle Minh.

-          B’en, c’est pas vraiment mon chat mais on voyage d’un commun accord depuis quelques temps.

-          Non, alors on fête une pareille rencontre…allez…venez avec nous on loge au Savoy en plein centre…et vous ?

-          J’sais pas encore.

-          Avec cette pluie, en pleine nuit? Je vous invite, Cher Compatriote. Rendez-vous compte, Mlle Minh, deux suisses ? Deux cons de braves suisses!

 

Ils ne se quittèrent plus. Quelle fut la part de nostalgie qui poussa ces deux hommes à rester ensemble? Pourtant si différents l’un de l’autre.

 

Freddy avait décidé d’abandonner la grosse Chevy à Madison, Mlle Minh l’ayant convaincu qu’on tenterait de la retrouver, elle, pour la ramener de force à Vancouver, elle appartenait à une triade qui n’abandonne jamais. Ou l’acide. Depuis ils voyageaient en bus ou en train.

Loucas réussit à les emmener “voir les baleines” pas loin de Gaspé à l’est du Québec. Une longue tirée. Au retour ils s’installèrent à Rimouski. Tous avaient soudain besoin de s’arrêter de bouger, besoin de souffler. Ils louèrent une petite maison en ville avec un joli jardin sur l’arrière. Ils se présentèrent spontanément à la police du comté qui les informa de la procédure à suivre afin d’obtenir un permis de résidence. Mlle Minh possédait un passeport canadien ce qui arrangea les choses. Freddy sorti le sien avec une légère appréhension mais les insignes diplomatiques impressionnèrent les officiers.

 

C’est Mlle Minh qui eut l’idée de créer une société anonyme. Au début ce ne serait qu’un atelier de couture, Loucas y travaillerait en qualité de “designer”. Freddy serait le directeur général, le chef de marketing et le responsable des  ventes. Elle serait l’ouvrière, l’Egérie, le modèle de ces messieurs.

-          Mais pas la cuisinière !

-          Elle aime les rösti!

-          Faudrait des bintje………

 

Quant au chat Martin…

 

Loucas acheta deux machines à coudre d’occasion au Bazard Déporte. Ils firent un aller-retour à Montréal pour choisir des tissus.

On commença par installer une enseigne lumineuse et Mlle Minh décora deux fenêtres en guise de vitrines.

Loucas coupa et cousut une trentaine de robes, pantalons, chemisiers, jupes et même des shorts. Il suivait les instructions de Mlle Minh tout en écoutant les critiques éclairées de Freddy.

-          N’oublie pas, on est à Rimouski…peut-être mais les dames rêvent de la mode de Paris, de Milan ou même de celle de Montréal. Il faut une collection qui puisse leur faire croire qu’elles sont à la page mais jamais ridicules….à Rimouski! Mes amis du Golf de Matane me conseillent l’Hôtel de Bretagne. J’ai aussi vu le directeur de l’Ecole Cartier, il est d’accord pour nous prèter son team de cheerleaders, j’peux vous dire, j’les ai vues répéter, ces gamines-là c’est des dégourdies. Mlle Minh va nous les styler rapidement! Pas besoin de Cran d’Ache…enfin…

 

Si Loucas n’avait jamais été un authentique créateur il retrouva cependant très vite ses qualités de “contre-maître”. Après le succès du premier défilé, les commandes devinrent pressantes, de Montréal, des Iles de la Madeleine, de Trois-Rivières… Il choisit donc de mettre en route une formule de travail à domicile. Quelques dames passaient en matinée et écoutaient les instructions du tailleur. Elles revenaient un ou deux jours plus tard ramenant les robes ou les blouses qu’elles avaient “montées” chez elles en regardant la télévision. Loucas se chargeait ensuite de la finition. Le samedi était réservé à l’essayage sur les jeunes filles du collège qui avaient accepté, avec enthouiasme, de jouer ce rôle de prolongation. Il en choisit de toutes les gabarits en évitant de favoriser certaines  jalousies. Ce fut là, et sans qu’ils l’aient voulu, une autre raison de leur fulgurante réussite. Chaque femme de Rimouski ou de Matane avait l’impression, la certitude que cette robe ou cette jupe avait été taillée pour elle et non pour un mannequin de magazine aux lignes académiques ou cadavériques.      

Loucas choisit d’engager deux ouvrières à plein temps et de les former. Il ne s’était pas mis en piste pour se retrouver coincé dans un autre atelier de confection. Mlle Minh le comprit et se montra une excellente assistante. Soucieuse du détail sans tomber dans la maniaquerie, elle suivait les ouvrières qui elles-mêmes donnaient la dernière touche en reprenant, si nécessaire, l’ouvrage des femmes cousant à domicile.

Le Chat Martin s’assit sur les genoux de Loucas. Celui-ci lisait un livre sur l’architecture populaire et traditionnelle du monde, édité par Larousse en 1983. Enfin il regardait les images.

En ville il trouva une vieille fraise de dentiste, à pédales, relique d’un hôpital de campagne. Le brocanteur la lui céda pour quelques centaines de dollars.

-          Elle marche encore très bien, tenez, j’ai tout un jeu de fraises qui va avec. Vous allez en faire quoi?

-          De la sculpture sur plâtre, répondit évasivement Loucas.

  

Trois semaines plus tard il posait avec précaution les vingt maisons de plâtres, chacune d’une quinzaine de centimètres de hauteur, à peine dix de large, enfin selon le pays d’origine. Seules les face antérieures étaient travaillées en relief et joliment peintes, les côtés restaient lisses ce qui permettait de les aligner les unes collées aux autres créant une sorte de rue universelle.

-          Ca fait un brin hétéroclite, comme ça mais c’est justement ce qui me plait.

-          Génial ! Loucas, c’est génial...regardez Mlle Minh,…on passe du Boulevard St-Germain, à Arles, St-Jean, Syracuse, Alger, Athènes, Bruges, Venises, Amsterdam, Oxford …

-          Canton, sourit tristement Mlle Linh.

-          Canton, Ha Noï, Hoi An,..

-          Appenzell, conclut Loucas.

-          Pour le moule ? questionna Freddy.

-          De l’huile d’olive sur l’original et de la cire coulée par-dessus, après il  suffit de retravailler le détail..et on verse le gypse frais, encore liquide.

-          Combien par jour ? risqua audacieusement le directeur-général.

-          J’sais pas, faut faire un essai, choisir une dizaine de maisons, après on élargira la game.

-          Dis Loucas, t’en as encore beaucoup de ces idées ?

-          Ouaie, trois ou quatre, la collection de livres en bois rares, le coucou-pagode à monter soi-même avec un moinillon qui frappe un gong,….

 

Mlle Minh faisait ses courses au supermarché Saint-Eustache lorsqu’un véhicule s’arrêta à deux pas de son caddy. Un homme en imperméable jaillit d’une voiture qui roulait au pas et aspergea de vitriole le visage de la jeune chinoise. Le chirurgien de Sainte-Anne fit tout son possible. Le traitement fut douloureux, interminable, une série de six greffes. Freddy venait la voir à Montréal les jours pairs et Loucas les impairs. Il emmenait le Chat Martin dans une corbeille d’osier et le celui-ci comprit qu’il ne devait pas miauler.

-          Tu vois Martin, Mlle Minh s’ennuie de toi.

-          Maintenant ils me laisseront tranquille. Loucas? Vous deux, est-ce que vous m’aimerez encore?

-          Plus aujourd’hui mais moins que demain!

-          Je voudrais que tu fasses le coucou-pagode et qu’on arrive à le vendre en Chine, tant pis s’ils en font des copies sauvages… après, peut-être que par hasard mon mari en achètera un et qu’il le mettra près de l’urne de ma petite fille.

-          C’est une bonne raison pour que je m’y mette et puis les livres en bois peuvent attendre, plus le bois vieillit mieux c’est.

 

La boîte réunissait une trentaine de pièces à monter chez soi, on encastrait les éléments les uns dans les autres, sans colle. A chaque heure un petit “bouddha” rigolard sortait de la pagode et frappait trois coups sur un gong en cuivre. Le 

corps principal de l’horloge restait conventionnel et fonctionnait bêtement avec une pile AA. Il imagina une dizaine de moinillons coquins et souriants.

 

Mlle Minh rentra à Rimouski mais elle ne sortait plus de la maison. Parfois elle s’installait dans le jardin à l’abri des regards. Le Chat martin s’installait sur son giron. Un matin elle observa une feuille morte qui s’etait enroulée sur elle-même et qui pendait à une branche en tournoyant, retenue par le fil qu’une araignée avait dû sécréter durant la nuit. Probablement qu’elle avait pondu ses oeufs à l’intérieur de la feuille. Mlle Minh songea que ces bébés devaient avoir avoir mal au coeur à force de tourbillonner ainsi du matin au soir.

 

Freddy prit l’avion pour Vancouver où il négocia avec un jeune asiatique l’exclusivité des coucous-pagodes.

-          Pour le monde entier?     

-          Si vous les faites fabriquer en Chine, conclut Freddy, et si vous les mettez sur le marché avant le prochain Nouvel-An Lunaire.

Avant de rentrer il fit un tour au quartier Phu To.

 

A Noël  Loucas découvrit un avis de recherche sur Internet:

 

“ Nous avons perdu notre Chat LUTHER, un chat gris de deux ans environ…. veuillez nous contacter…”

 

-          Martin Luther ! Je suis sûr que c’est toi…Harrisburg, l’avis est vieux d’au moins six mois, on a dû oublier de l’annuler. Bien, Chat Martin, qu’en penses-tu ? Harrisburg ou Rimouski ? Là, c’est toi sur l’écran ?

-          ….

 

-          Bon, annonça-t-il en soirée, je vais ramener Martin Luther chez lui, à sa “maman”. C’est peut-être con mais c’est juste.

-          Et tu pars quand?

-          Demain, i’m’faut au moins une nuit et un jour pour arriver jusqu’a Harrisburg aves les “Grey” et les correspondances.

 

Mme Commys pleura. Loucas s’excusa mais comme le chat l’avait suivi il ne savait pas ou le ramener. Le Chat Martin Luther salua poliment le viel étrusque et s’endormit sur le sofa, les babines encrèmées.

-          Vous savez, dit Monsieur Commys, je ne croyais pas qu’un chat puisse être si important.

-          Il l’a été pour moi ces derniers temps, répondit Loucas

Mme Commys lui prépara des spaghetti à l’italienne et ils sifflèrent toute une fiasque de Chianti. Les Commys insistèrent pour qu’il dorme dans la chambre d’ami à l’étage. Il aurait voulu repartir et rouler la nuit. La vieille dame abandonna les hommes à la cuisine et retourna caresser son chat qui s’en foutait.

 

 C’est l’odeur du café qui le réveilla. Mme Commys avait mis la table: pain, beurre, confiture, oeufs mollets, yaourts, jus de fruit,…..

-          C’est un hongrois qui nous fait le pain, une petite boulangerie traditionnelle en bas, là-bas, ...pas des trucs de supermarché.

-          Vous êtes allé quelquefois en Italie, amorça le vieux Commys.

-          Ouaie, y’a longtemps mais surtout à Venise.

 

A la gare de Harrisburg les bus se suivaient, ne s’arrêtant pas plus de cinq minutes avant de reprendre leur route. Chicago, New York, Baltimore ?

-          Tiens et si j’allais dire bonjour à M.Dos Passos?

Il ne revint jamais à Rimouski. Ils reçurent quelques cartes postales, la première de Baltimore pour Noël et une autre de Canton à l’occasion du Nouvel-An Lunaire. Une lettre suivait cette dernière carte. Elle contenait huit photos de la maison de Mlle Minh. Loucas avait tout raconté au mari sociologue qui finalement lui avait laissé photographier l’urne sur le dressoir, la chambre vide de la petite disparue. A part ces clichés il y avait encore un mot du mari qui s’excusait de ne jamais avoir été un bon époux. Il finissait en disant que si elle voulait un jour repasser par Canton il ne lui causerait aucun problème, elle pourrait venir prier devant l’autel.

Mlle Minh pleura quand elle aperçut la photo qui montrait Loucas déposant le coucou-pagode devant un grand portrait de sa fille. Le chinois de Vancouver avait tenu sa promesse.

 

Confucius est vraiment très fort mais Lao Tseu attend son heure, lui qui croyait au progrès.

Remarquez que ça ne saute pas aux yeux quand on lit ses textes.

Quant à mon cher Sénèque, il poursuit sa lettre à ce brave Lucilius,  pour oublier qu’il s’emmerde.

 

L.T. /09.01/07.03  

 

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